
Le thème de la mort est très présent dans les chansons de Georges Brassens. Oncle Archibald commence en s’adressant à tous ceux qui prospèrent sur l’angoisse de la mort, tous les menteurs. Ils sont nombreux et variés comme le suggère la longue énumération.
Celui qui paye les violons du bal, selon l’expression, est le niais qui paye pour les autres. Or quand on meurt, non seulement on ne paye plus personne mais surtout on a trouvé la vérité en quelque sorte.
O vous les arracheurs de dents
Tous les cafards, les charlatans,
Les prophètes
Comptez plus sur Oncle Archibald
Pour payer les violons du bal
A vos fêtes.
Quand une personne meurt, le temps s’arrête pour elle. Si on tue quelque un, on lui vole le temps qui lui reste à vivre.
En courant sus à un voleur
Qui venait de lui chiper l’heure
A sa montre
Et quand on meurt, on rencontre la Mort, ici personnifiée en Reine de la nuit. Cette rencontre ultime est mise en valeur par le rejet en fin de phrase. Le sort, c’est le hasard mais aussi le destin et il rime fatalement avec la mort.
Oncle Archibald, coquin de sort
Fit de sa Majesté la Mort
La rencontre
Pour une reine, elle ne se conduit pas très bien mais son trottoir est celui du cimetière, mis en valeur en fin de phrase et rimant avec « suaire » . Cette image originale permet de désamorcer l’angoisse de la situation et d’insulter cette mort qu’on déteste mais rappelle aussi que parfois la mort peut nous tenter dans le cadre d’une solution de facilité, dans le cas d’envies suicidaires ou de conduites à risques.
Telle une femme de petite vertu
Elle arpentait le trottoir du
Cimetière
Aguichant les hommes en troussant
Un peu plus haut qu’il n’est décent
Son suaire
Mais Oncle Archibald se sent plein de vie et refuse l’offre en se moquant. La vie s’oppose à la mort de manière visuelle et physique: maigreur et rondeurs. Le champ lexical reste dans le thème avec l’expression «va te faire pendre ailleurs».
Oncle Archibald d’un ton gouailleur
Lui dit: «Va-t-en faire pendre ailleurs
Ton squelette
Fi des femelles décharnées
Vive les belles un tantinet
Rondelettes.
Mais on ne peut pas se soustraire à notre destin commun et voici l’ image du cavalier de l’ Apocalypse, teintée de mythologie avec la faux de Saturne:
Lors montant sur ses grands chevaux,
La Mort brandit la longue faux
D’agronome
Qu’elle serrait dans son linceul
Et faucha d’un seul coup d’un seul
Le bonhomme
Comme il n’avait pas l’air content
(on le comprend). On retrouve ensuite le thème de l’Amour et de la Mort avec «aime» et «hymen» .
Elle lui dit: «ça fait longtemps
Que je t’aime
Un petit rappel que nous souhaiterions éviter: lorsque nous naissons, notre horloge se met en marche et nos heures sont comptées.
Et notre hymen à tous les deux
Etait prévu depuis le jour de
Ton baptême
Le grand intérêt de la Mort est que l’on n’a plus à fréquenter les imbéciles et à prendre des positions politiques que l‘anarchiste Brassens a toujours refusées en bloc. La liste des imbéciles ou des bêtes et méchants est longue, comme le suggère l’énumération. On voit à quel point les attaques qu’il a dû subir lui ont pesé.
Si tu te couches dans mes bras
Alors la vie te semblera
Plus facile
Tu y seras hors de portée
Des chiens, des loups, des hommes et des
Imbéciles
Ces imbéciles sont de toutes les époques comme le suggère l’allusion à l’histoire plus ancienne de la France.
Nul ne contestera tes droits
Tu pourras crier: vive le roi
Sans intrigue
Si l’envie te prend de changer
Tu pourras crier sans danger
Vive la ligue
Toujours d’actualité, le fait de devoir payer ou travailler pour engraisser d’autres et de devoir se plier à des contraintes de toutes sortes.
Ton temps de dupe est révolu
Nul ne se paiera plus
Sur ta bête
Les plait-il maître
N’auront plus cours
Plus jamais tu n’auras à cour
ber la tête
Les pas des deux amoureux s’accordent à la rime «pas» et «pas».
Et mon oncle emboîta le pas
De la belle qui ne semblait pas
Si féroce
Et les voilà bras dessus bras dessous
Mais le mystère demeure toujours: où va-t-on après la mort ?
Les voilà partis je ne sais où
Faire leurs noces
Le dernier couplet reprend le début: la boucle est bouclée, la mort comme la vie est un éternel recommencement.
O vous les arracheurs de dents…
Petit correction « des hommes » :
Tu y seras hors de portée
Des chiens, des loups, des hommes et des
Imbéciles
Merci, en effet, c’est maintenant corrigé.
Dans un entretien sur France Culture, Brassens avait cité Oncle Archibald comme « peut-être » sa chanson préférée.
Vraiment l’une des plus belles perles de son trésor !
Merci pour ces commentaires pertinents.
C’est ma chanson préférée de Brassens depuis plus de trente ans
Je ne sais pas pourquoi…..
Peut être qu’aujourd’hui je comprends un peu mieux ce qui me touche dans cette chanson
il m’a fallu venir sur ton blog pour comprendre le sens caché de cette étrange chanson/poème
merci
Merci pour ta visite.
« Quand j’croise un voleur malchanceux,
Poursuivi par un cul-terreux;
J’lance la patte et pourquoi le taire,
Le cul-terreux s’retrouv’ par terre ».
Peut être que cette fois, le voleur (le chipeur d’heure) a asséné un mauvais coup à oncle Archibald qui le poursuivait, un coup si mauvais qu’il le tua.
Ou bien dans sa poursuite, son cœur a lâché ?
Analyse très intéressante ! 🙂 juste une petite coquille :
« …la mort brandit la longue faux […] qu’elle SERRAIT (et non pas « cachait ») dans son linceul… »
😉
Merci pour votre remarque et pour votre visite.
j’adoooore cette chanson !
merci Elsa