1 – le texte de mon ami Tiziano, traduit par mes soins.
Italie – Mars 2020, je regarde par la fenêtre. Je regarde les maisons et les mille lumières allumées dans les pièces. Et j’imagine les gens, les gens qui vivent dans ces pièces. J’imagine les sourires revenus, le soulagement de savoir que nous allons bien.
Personne parmi nous n’aurait jamais pensé qu’un jour nous serait donnée la possibilité de faire une pause, de marquer un arrêt dans la trépidation de nos vies. Nous l’avons fait et si ce n’était pour ceux qui nous lâchent la main et nous quittent, jour après jour, nous avons compris que cette possibilité est de l’or pur. Cela s’appelle la résilience, cette capacité d’absorber un choc sans se rompre.
Nous sommes meilleurs que ce que nous avons toujours cru être. Et nous sommes unis, ensemble. A l’arrêt. Mais ensemble. Tout finira bien. Et ce sera très beau.
2- D’après le texte de Massimo Recalcati paru dans la Repubblica le 14 mars 2020 :
Au lendemain de la Libération, Jean-Paul Sartre écrit que les nazis nous ont appris ce qu’était la liberté. Pour apprécier vraiment quelque chose, il faudrait donc l’avoir perdu et reconquis. Peut-être observe-t-on quelque chose de similaire avec la terrible pandémie du coronavirus ? Une leçon sur la conception la plus banale et la mieux partagée de la liberté.
La liberté n’est pas une sorte de propriété, à l’inverse de notre opinion illusoire. Elle n’est pas un attribut de notre Ego, elle ne sert pas à satisfaire nos nombreux caprices. Si cela était, nous serions aujourd’hui privés de liberté. Nous regarderions nos cités désertes avec un sentiment d’agonie.
Mais si, au contraire, le mode de diffusion du virus nous obligeait à modifier notre regard ? Ce virus est une image de la mondialisation, il ne connait pas de frontières : états, langues, souverainetés sont tous infectés de même façon. Il est justement pandémique. D’où la nécessité d’édifier des limites et des barrières protectrices, qui ne sont pourtant pas celles exigées par le souverainisme identitaire. C’est au contraire un geste de fraternité et de solidarité sans lequel la liberté n’est qu’un vain mot. Paradoxalement, en restant consignés à la maison, en nous barricadant, nous isolant, nous enfermant dans des espaces clos, nous n’excluons pas le voisin: nous l’aidons.
L’incroyable leçon du Covid 19 est que personne ne se sauve seul, notre survie dépend des actes des autres. Soulignons le caractère hautement citoyen et solidaire de cet isolement apparent. Apparent seulement car l’Autre est toujours présent, même dans l’absence et le manque. Cette auto-réclusion est, pour qui le décide, un acte altruiste et non un retrait égoïste du monde, c’est l’exercice plein et entier de notre liberté dans sa forme la plus haute, dans la responsabilité absolue de nos actes et de leurs conséquences.
Le virus nous pousse avec force à travers la porte étroite de la fraternité. Dans cet étrange isolement, nous établissons une connexion inédite avec le frère inconnu et avec celle plus large de la Cité.