
Ce conte est important pour traverser la période d’adolescence qui s’est considérablement allongée aujourd’hui et qui est vraiment difficile pour nos jeunes. Il y a aussi des « Beaux » au Bois dormant qui traversent la vie sans la voir et se réveilleront lorsqu’ils tomberont amoureux.
Les repères évidents d’une société à l’ancienne n’existent plus, il leur faut réinventer la vie chaque jour, se frayer un chemin dans la jungle sociale actuelle et s’ils échouent, c’est la catastrophe familiale. Quelle pression! De surcroît, l’éducation ne les prépare pas du tout à ces difficultés avec une enfance souvent facile sur le plan matériel ou celui des contraintes, aucune habitude de travail n’est vraiment donnée et ils ne lisent pas assez pour se forger des valeurs et se préparer par une réflexion approfondie.
Comment le conte de La Belle au Bois dormant peut-il les aider?
Les contes de fées ont pour caractéristique de poser des problèmes existentiels en termes brefs et précis.
écrit Bruno Bettelheim dans son ouvrage passionnant Psychanalyse des Contes de Fées.
Si ces contes sont parvenus jusqu’à nous, racontés par une chaîne de grand-mères successives depuis la nuit des temps, c’est bien qu’ils ont quelque chose d’essentiel à nous transmettre, c’est qu’ils nous parlent et répondent à des interrogations profondes.
Plus précisément, La Belle au Bois Dormant prépare à la patience: même si on a l’impression de dormir cent ans avant de commencer sa vie d’adulte, tout finit par arriver et cette phase est nécessaire pour arriver à la maturité. Ce repli sur soi observé par Piaget est une phase nécessaire de concentration intérieure et ne signifie pas que rien n’évolue.
La leçon n’est pas sexuée, contrairement aux apparences: fille et garçon sont tour à tour la Belle passive et le Prince actif, comme l’adolescent est tour à tour endormi ou bouillonnant, comme il ou elle doit affronter les dangers et l’angoisse de cette période inconnue représentée par la forêt pleine d’épines et de dragons, où l’on croit se perdre et qu’on traverse pourtant. Ainsi la mythologie reprend ce thème avec une inversion des sexes des personnages avec Psyché qui admire Cupidon endormi.
Ce conte prépare à se forger sa propre opinion : on dit au prince de ne pas aller vers ce château inaccessible, il est entouré d’épines, pourtant il s’y rend et ne se laisse pas décourager.
Il prépare à l’éveil sexuel : l’image du chemin difficile à trouver à travers les broussailles représente assez bien le sexe féminin. L’idée directrice est que ce passage à l’âge adulte aura lieu de toutes façons, malgré la volonté des parents qui tentent de retarder l’éveil sexuel de l’enfant: le roi/père qui ne veut pas que sa fille se pique le doigt au fuseau pour éviter les trois gouttes de sang qui symbolisent la menstruation ou la fée qui jette un sort de sommeil.
Cette vieille femme qu’on trouve en haut d’une tour pourrait tout aussi bien être l’une des trois Parques qui marquent les étapes de la vie. C’est aussi une image inquiétante de la vieillesse, du temps qui passe, de la mort. C’est la mort de l’enfance.
La rencontre entre les deux jeunes gens est harmonieuse et montre à quel point l’attente et les épreuves sont nécessaires pour acquérir la maturité nécessaire à l’équilibre et à l’harmonie. Autre leçon : ce qui apparaît comme une malédiction est en réalité tout à fait bénéfique:
Ce n’est qu’après avoir réalisé l’harmonie intérieure qu’on peut la trouver dans les rapports avec les autres
écrit encore Bruno Bettelheim.
Le conte de Perrault reprend un ancien conte lu dans le Pentamerone de Basile mais l’enrichit avec les personnages de la bonne et la mauvaise fée qui représentent l’ambivalence de la mère qui donne et qui punit, qui console ou qui gronde. Il complique cependant le conte en ajoutant une suite avec la naissance des deux enfants Aurore et Jour et la belle-mère ogresse.
Pourquoi raconter ce conte à de jeunes enfants?
Chacun selon son âge et ses besoins interprètera différemment les contes. Le jeune enfant par exemple verra qu’il aura besoin d’un certain temps avant de prétendre à l’âge adulte mais que cette attente est la condition d’un enrichissement personnel nécessaire. On court à l’échec si l’on veut brûler les étapes, à l’image des princes qui meurent dans la forêt pour avoir tenté trop tôt l’expérience.
D’autre part, les leçons seront intégrées et gardées pour le moment où elles seront utiles. Nous sommes loin de l’immédiateté chère à notre époque moderne: on sème pour récolter plus tard.
De nombreux châteaux peuvent faire penser à celui de la Belle au Bois dormant, je vous conseille de passer au pied de celui de la Rochepot en Bourgogne, vous serez surpris de vous trouver exactement devant ce que vous imaginiez étant enfant.
Une réflexion sur « La Belle au Bois dormant »