Shakespeare et l’automne


crépuscule
crépuscule

Extrait de William Shakespeare, je n’ai pas repris la belle traduction d’Anna Gavalda, ne m’en sentant pas le droit.

Paru dans le roman Stoner de John William que je recommande absolument.

Beaucoup de poètes ont chanté l’automne et la fin de vie : That time of year, c’est une saison de l’année, c’est aussi une période de la vie. L’emploi de « time » et non « season » insiste sur le Temps qui passe, qui est notre maître.

Cet âge de la vie se voit sur la personne, Shakespeare invite à contempler, c’est-à-dire prendre le temps de voir et comprendre, au-delà des apparences.

 That time of year thou mayst in me behold

(Traduction mot à mot : Ce temps de l’année que tu peux en moi contempler)

Le rythme haché du vers nous donne à voir celui des feuilles branlantes sur l’arbre puis qui tombent et disparaissent : colorées « yellow » puis plus, ou peu, qui pendent.

When yellow leaves, or none, or few, do hang

Quand les feuilles jaunes, ou point, ou peu, sont suspendues

Mais ce n’est pas le vent qui les fait trembler mais l’approche du froid, annonciateur du froid de la mort.

Upon those boughs which shake against the cold,

Sur ces buissons qui tremblent contre le froid

La nudité « bare » à laquelle nous retournerons, le silence après la magnificence de l’art des chœurs (ici les buissons) et de la nature en pleine vie.

Bare ruin’d choirs, where late the sweet birds sang

Des chœurs nus et abîmés, où autrefois chantaient les doux oiseaux

Une correspondance est suggérée non seulement entre ce qui a été et qui n’est plus mais plutôt entre l’explosion de beauté artistique qu’offre la vie et son énergie et le néant de la mort. C’est comme si la ruine est d’autant plus émouvante que le bâtiment était beau, les cendres sont d’autant plus rougeoyantes et visibles que le feu a flamboyé. Le terme « such » est extrêmement important, il est d’ailleurs répété.

 In me thou see’st the twilight of such day

En moi tu vois le crépuscule d’une telle journée

Comme le soleil au-dessus de nous, notre vie semble un déplacement d’est en ouest, pour se terminer par le flamboiement du crépuscule, remplacé peu à peu par les ombres noires de la nuit.

As after sunset fadeth in the west;

Comme ensuite le soleil couchant disparait à l’ouest

Which by and by black night doth take away

Que ici et là la nuit noire emporte au loin

Une deuxième personnalité de la Mort va sceller tout cela dans le repos éternel.

 Death’s second self, that seals up all in the rest.

Une seconde personnalité de la Mort, qui scelle tout dans le repos

In me thou see’st the glowing of such fire

En moi vois le rougeoiement d’un tel feu

C’est comme si toute la fougue de la jeunesse avait servi à préparer ce lit de mort, toute l’énergie vitale devenait le combustible du feu des funérailles. C’est là l’originalité de la vision Shakespearienne.

 That on the ashes of his yuth doth lie,

Qui repose sur les cendres de sa jeunesse

As the death-bed whereon it must expire,

Comme sur le lit de mort sur lequel il va devoir expirer

Consumed with that which it was nourished by.

Consumé par ce qui l’avait nourri

Si l’on comprend cela, on voit autrement la personne âgée ou sa propre vieillesse et on l’aime davantage, alors même qu’on est sur le point de la perdre définitivement.

 This thou perceivest, which make thy love more strong,

Tu perçois cela, ce qui rend ton amour plus fort

To love that well which you must leave ere long.

(Ce qui t’amène) à bien aimer ce que tu dois bientôt quitter

Une réflexion sur « Shakespeare et l’automne »

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