Quel rapport y a-t-il entre le film Demain, Jean Giono et les arbres ?
On a beaucoup parlé et écrit sur le film Demain et je ne saurai rien rajouter. J’avais raté ce film à sa sortie en salles et je l’ai reçu en cadeau pour ce Noël 2016. Je l’ai placé dans le lecteur en me disant in petto « un documentaire qu’il faut avoir vu mais ça ne va pas être bien passionnant » . eh bien je l’ai regardé deux fois sans m’ennuyer une seconde. Bravo aux professionnels qui ont fait ça ! Pas de longueur, un plan très logique, de l’humour et à la fin, on se sent mieux et on reprend confiance en l’humanité. Un « feel good movie » en quelque sorte, avec cette incroyable caractéristique d’être un vrai documentaire.
La confiance en l’humanité, c’est déjà ce qui ressort d’un récit de Jean Giono, publié au siècle dernier : L’Homme Qui Plantait Des Arbres.
Avec l’admirable style littéraire qui le caractérise, Giono nous parle d’une rencontre imprévue en pleine nature avec un berger. Ce berger d’environ 50 ans a perdu sa femme et son fils et il vit désormais seul et « il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres ».
Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.
Nous revoilà exactement parmi certains « témoins » interviewés dans le film Demain. Ils n’ont pas compté sur les autres pour agir et ils n’ont pas non plus voulu sauver le monde, juste un petit coin de terre. Ce sont ces gens-là qu’Alexandre Jardin veut mettre en valeur : « les faiseux ». Giono les appelle « les caractères inoubliables ». Ce sont des gens comme ceux-là qu’Arnaud Montebourg souhaite aider et sur lesquels il souhaite s’appuyer parce qu’il a compris que là résidait l’efficacité des actions. La solution ne réside pas dans les grands projets démesurés qui n’arrivent pas à leur terme, elle n’est pas apportée par les élites, la solution est multiple, et elle vient de la base, du peuple, des individus lambdas.
Dans le film Demain, on nous parle aussi des lourdeurs administratives qu’il a fallu contourner. Giono nous dit un peu la même chose :
Les chasseurs qui montaient dans ces solitudes […] avaient bien constaté le foisonnement de petits arbres mais ils l’avaient mis sur le compte des malices naturelles de la terre. C’est pourquoi personne ne touchait à l’œuvre de cet homme. Si on l’avait soupçonné, on l’aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer […] une telle obstination dans la générosité la plus magnifique.
Demain, peut-être, ces « caractères », ces hommes et femmes de bonne volonté, ces « faiseux » seront encore plus nombreux. Demain, mais pas après-demain, il ne nous reste plus beaucoup de temps. Il ne s’agit pas de sauver la planète, la planète s’en sortira de toutes façons, il s’agit de sauver l’humanité. Et quand on regarde un enfant, avec tout ce qu’il a de promesses dans le regard, on se dit que cela vaut la peine…
Et Saint François alors, dont la petite chapelle toscane est en photo au début de cet article ?
Saint François d’Assise considérait chaque habitant ou entité de la nature comme un membre de sa famille. Pour mon amie Fiorenza qui m’a emmenée sur le chemin qu’avait foulé cet homme du XIIIème siècle, je conclus par un texte d’Edmond Rostand : Chant du soir des petits oiseaux, qui se termine ainsi :
Seigneur, si l’homme injuste, en nous jetant des pierres,
Nous paye de l’avoir entouré de chansons
Et d’avoir disputé son pain aux charançons,
Si dans quelque filet notre famille est prise,
Faites-nous souvenir de Saint François d’Assise,
Et qu’il faut pardonner à l’homme ses réseaux
Parce qu’un homme a dit : « mes frères les oiseaux ».