C’est un superbe poème de Jacques Prévert que je vous invite à relire, dont les mots répétés comme un refrain finissent par rester dans la mémoire un peu à la manière d’une idée fixe et c’est bien ce que cherche l’auteur.
Le champ lexical du souvenir apparaît irrégulièrement mais cependant comme un leitmotiv
Rappelle-toi Barbara[…]
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
Le poète s’exprime à la première personne
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Ce qui commence comme un poème d’amour
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
induit en fait le lecteur en erreur
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
On comprend que le poète ne connaît pas la jeune femme et qu’il ne sait son nom que par hasard, parce qu’on l’a appelée. Cette fausse route a pour objectif de maintenir le lecteur en éveil, en questionnement : les choses ne sont pas ce qu’elles ont l’air d’être ou plutôt, comme on le verra, elles ne sont plus.
Le poète demande à une inconnue de se souvenir d’un moment de bonheur, on pourrait même dire d’une pluie de bonheur qui semble ruisseler sur la jeune femme
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Cette demande pressante a un caractère un peu angoissant : «N’oublie pas »
et cette injonction prendra tout son sens dans les derniers mots du poème «il ne reste rien». Il s’agit bien d’un devoir de mémoire.
Le fil conducteur de ce long poème est la pluie, toujours présente
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
L’absence de ponctuation et le retour des mêmes mots dans un ordre différent reproduit cet effet de gouttes qui s’écoulent ou rebondissent.
Mais cette pluie change :
Cette pluie sage et heureuse
Devient une pluie de fer
On passe du visage de l’inconnue à l’ensemble de la ville :
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Le poète souligne ainsi qu’une ville est le destin collectif de milliers d’individus et rend encore plus atroce la tragédie du bombardement de Brest
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
puis la pluie devient une pluie de deuil. Le manque de respect envers les êtres humains, envers les civils habitant Brest (ou toute autre ville bombardée actuellement) est tel qu’on est passé d’une femme jeune et heureuse, aimée à des cadavres de chiens. Tout est abîmé, en effet. Le parallélisme entre les deux images de la même ville sous la pluie le souligne.
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Et cette eau ne nettoie pas, elle fait pourrir et délave aussi le bonheur, le passé et le présent en emportant les cadavres. Le mot de la fin est logique : « rien ».
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien
Bonjour , je veux savoir la forme de cette poème
bonjour je voulais savoir si je pouvait la mettre en relation avec liberté pour mon histoire des arts
Liberté, ce n’est pas vraiment le thème central sauf bien sûr qu’une guerre prive forcément les gens de vivre comme ils l’entendent et en particulier de vivre leur amour. Pour liberté, il y a le poème d’Eluard, liberté j’écris ton nom. Pour ce poème de Prévert, il faudrait trouver des œuvres picturales sur la destruction, la violence.
Je ne sais pas si je vous aide beaucoup.
Bonjour, je souhaiterai prendre cet oeuvre pour mon épreuve d’histoire des arts et je voudrais savoir avec quel oeuvre je pourrais mettre ce poème en relation
merci
Bonjour,
Peut-être Guernica ?