Le chêne et le roseau de Jean Anouilh


 
 

  

roseaux
roseaux

 

Un pastiche intéressant de la fable de La Fontaine où l’on parle de valeurs , de grandeur d’âme, d’opportunisme et de résistance.  

Jean Anouilh est né à Bordeaux en 1910 et a vécu à Paris. Il a surtout écrit pour le théâtre. Il s’éteindra en 1987.  Moins connu qu’ »Antigone » ou que «le voyageur sans bagage», son recueil de fables est empreint d’humour et d’amertume. Anouilh dit d‘ailleurs: «mes fables ne sont pas pour les enfants».
 
 Il est connu que La Fontaine a beaucoup puisé chez Esope le sujet de ses fables. Par un juste retour des choses, Anouilh prend chez La Fontaine et pastiche «Le chêne et le roseau».
 
 La version de Anouilh du chêne et du roseau par la forme rappelle beaucoup celle de La Fontaine par les octosyllabes et alexandrins. Le premier vers est identique. La fin reprend avec beaucoup de concision «je suis encore un chêne» la périphrase qui soulignait toute la grandeur de l’ arbre:
«celui de qui la tête au ciel était voisine 
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts»
 La périphrase de La Fontaine est visuelle: le regard descend le long des branches et du tronc jusqu’au sol. L’arbre vu comme un lien entre le ciel et la terre, est un thème également cher à Saint John Perse. 
 La grandeur du chêne est sociale, mais plus que cela, elle est de naissance, génétique pourrait-on dire, et d’origine divine. Rappelons que le roi de France tenait son titre de Dieu lors du sacre. On est roi de père en fils, la filiation, comme le sang «bleu» est génétique. Au XVIIème siècle, la « naissance », entendez la filiation noble, était gage de grandeur d’âme.
Mais La Fontaine n’est pas dupe et met l’accent sur le fait qu’aucun grand de ce monde n’est totalement à l’abri d’un coup du sort, ou d’une disgrâce, avec une certaine impertinence. Ce faisant, il reconnaît que la vie des humbles est bien plus difficile quotidiennement: lorsqu‘on n‘est pas né suffisamment près d‘un protecteur:
 
 
 
 
 

  

« Si vous naissiez à l’abri du feuillage 

dont je couvre le voisinage 

Vous n’auriez pas tant à souffrir »  

Anouilh valorise celui qui n’a pas trahi ses valeurs, même au prix de sa vie. C’est cette «résistance» qui fait sa grandeur et rien d‘autre. 

Le contexte de Jean Anouilh est uniquement socio-politique. Il y a ceux qui courbent l’échine et qui survivent en reniant leurs valeurs, si même ils en ont, et ceux qui restent eux-mêmes. Le roseau, uniquement préoccupé de sa petite vie, se tient courbé même lorsque la tempête est passée. Ils jalouse et hait celui qui ne lui ressemble pas. La haine est mise en valeur par la place à la rime du nom « haine » et le rejet de « satisfaite » qui s’oppose à la souffrance du chêne plus loin. Il n’a pas de compassion. 

On sentait dans sa voix sa haine 

Satisfaite. Son morne regard allumé 

  La morale que l’on retient de la fable d’Anouilh est directe et appuyée, celle de La Fontaine est implicite et donc plus nuancée, plus subtile et plus riche : le fait est que le chêne tombe, ce n’est pas pour autant qu’on vous dicte une conduite. 

Il n’en demeure pas moins que la fable sera toujours d’actualité. Le roseau est un opportuniste, sa propre vie lui importe plus que le respect de ses valeurs. Le chêne est vu comme un géant et on comprend que ce n’est pas seulement une apparence : même couché, il a une grandeur d’âme.  Sa souffrance est marquée par le rythme haché et les nombreuses virgules. Pourtant, il ne renonce pas à ses valeurs avec le terme « encore ». Il est certain qu’aujourd’hui comme hier on rencontre foison de roseaux et peu de chênes. 

Le géant, qui souffrait, blessé,
de mille morts, de mille peines,
Eut un sourire triste et beau;
Et, avant de mourir, regardant le roseau,
Lui dit: « je suis encore un chêne ».

8 réflexions sur « Le chêne et le roseau de Jean Anouilh »

  1. bonjour j’ai besoin de m »aidez urjent svp : quelles qont les ressemblances et les diffèrences et la morale de chacune ‘j fontaine et jean ANOUILH )

  2. Chez La Fontaine, la morale implicite semble être qu’il faut savoir nuancer ses propos et avoir un esprit flexible pour ne pas être emporté par la première tempête venu. Il montre aussi que les plus grand ne sont jamais totalement immortels, et attaque ainsi les hommes de pouvoir, notamment Louis XIV.
    Chez Anouilh la morale est écrite plus haut.

  3. Ce qui est interessant dans les Les « Fables » de Jean Anouilh c’est le retournement qu’il oppère avec la morale proposée par Jean de La Fontaine. En effet, alors que chez ce dernier le roseau affirmait « Je plie mais ne romps pas » proposant comme morale qu’il faille, dans la vie, savoir contourner les obstacles et savoir être flexible Jean Anouilh démontre là qu’il s’agit d’une perte d’identité et redonne de la grandeur au chêne qui est resté lui-même.
    D’autres fables de son recueil comme La Cigale prenant le contre-pied de La Cigale et La Fourmi de La Fontaine démontre sa volonté de renverser les préjugés et les morales « fermées » ou stéréotypées proposées par cet auteur classique dont les Fables sont devenues incontournables et dont les morales constituent de vrais adages populaires tel que « La raison du plus fort est toujours la meilleure ».
    Merci Jean Anouilh de nous démontrer l’absurdité d’une morale unique et de démonter certains stéréotypes.

    1. oui, l’apport des fables d’Anouilh est tout à fait intéressant mais il force un peu le trait : il y a les bons et les méchants. Ce n’est pas toujours aussi simple chez La Fontaine.
      Merci pour votre commentaire.

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