La Rose et le Réséda – Louis Aragon


deux sortes de fleurs ...qui se marient bien
deux sortes de fleurs ...qui se marient bien

En hommage à Arnaud Montebourg et à l’idéal que nous partageons, cette petite étude :

Le poète Aragon  s’engage ici contre les disputes intestines et sectaires : il faut savoir s’unir par delà les différences et les divergences d’opinion, telle est la morale de ce beau texte : La Rose et le Réséda. Ecrit en 1943, il n’a pas pris une ride. C’est le propre des grands textes que de rester toujours d’actualité.
Le rythme en vers impairs marque le déséquilibre de chaque personnage : il ne trouveront un équilibre qu’en s’unissant. Les vers se lisent sous forme de distiques pour former ainsi un nombre pair de syllabes.

Ces personnages sans nom sont des symboles, voire pour la « belle » une allégorie de la liberté ou de leur idéal.
La rose, fleur magnifique et le réséda plus simple exhalent chacun un sublime parfum. A chaque fois, le poète proposera un couple qui a une qualité similaire et de grandes différences : ainsi la flute et le violoncelle, tous deux instruments de musique mais l’un à vent et l’autre à cordes. Ainsi l’alouette et l’hirondelle, ainsi :

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats

Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas

Comme un leitmotiv, le refrain marque à chaque instant différence ou ressemblance mais surtout importance du même objectif et inintérêt des différences : qu’importe l’action de chacun pourvu qu’elle soit au service du collectif. Ils sont d’ailleurs interchangeables : lequel…lequel, celui, celui.

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Même l’objectif commun n’a pas vraiment d’importance, on peut jouer sur les mots,  sur les noms : Liberté ? Égalité ? Ce qui compte vraiment, c’est la beauté de cette recherche, c’est la volonté sur le chemin : « cette clarté sur leur pas ». En un sens, cette volonté d’atteindre son idéal, aux dépens même de sa vie, c’est ce qui fait toute la noblesse de l’humanité, ce qui nous tire vers le haut et, d’une certaine manière, nous rapproche du ciel, qu’on y croit ou qu’on n’y croit pas…

Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas

Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Un idéal chevaleresque se profile dans cette quête du Graal, avec une fidélité profonde (« du coeur »), pas seulement en paroles (« des lèvres ») et qui passe à l’action (« des bras »).

Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras

Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Vient un temps si difficile qu’il faudrait être fou pour ne pas s’unir quand on veut la même chose:

Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Dans le malheur aussi ils seront unis et quel est l’intérêt de faire un concours du plus malheureux, ils sont interchangeables, étant si peu différents : l’un, l’autre, celui qui….

Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

La dernière strophe , après leur trépas, montre l’espoir que leur lutte n’ait pas été vaine : leur sang versé, avec le temps, ce grand médecin, produit une nouvelle vie, une nouvelle nourriture, une nouvelle beauté.  Il faut pour cela une union d’amour avec la terre, ou avec l’humanité…

Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Le poète reprend et martèle son idée force. Cette dualité qui s’unit est soulignée par le fait que deux rimes seulement alternent tout au long du poème.

L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda

3 réflexions sur « La Rose et le Réséda – Louis Aragon »

  1. Savez vous qu’il est écrit prés de sa tombe à St Arnoult en Yvelines et qu’il a été lu pour les morts de la grande guerre?

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