
Merci à mes lecteurs commentateurs, j’ai repris a posteriori quelques-unes de leurs trouvailles.
Cette chanson de 1969, année érotique, plaisantait Gainsbourg en faisant allusion à la position sexuelle 69, est bien dans la tradition des jeux de sonorités et des ambiguïtés chers à l’auteur. D’ailleurs le choix de l’octosyllabe annonce un double trou…ble.
Aucun Boeing sur mon transit
Aucun bateau sous mon transat
Enfin, la poésie est une manière de dire plusieurs choses à la fois : prendre les choses…et les gens à l’envers, cherchez la porte exit du transit, anamour faisant penser à amour anal est aussi une référence à la sodomie.
Le personnage ne sait pas comment partir dans un voyage amoureux, et le troisième thème est l’enfermement : on ne sait où est la porte de sortie et la répétition des débuts de phrases et des mots presque homophones ajoute encore à cette impression de lieu fermé dans lequel on tourne en rond.
Je cherche en vain la porte exacte
Je cherche en vain le mot exit
Les thèmes sont repris et croisés en même temps que les mots: « anamours » et « transit » forment «anamours transitoires», or «transitoire» n’a pas la même signification que « transit ». Il s’agirait là d’une relation dépourvue d’amour mais qui permet de passer le temps, un peu le célèbre «je t’aime, moi non plus» du même auteur.
Gainsbourg utilise des métaphores puisées dans les contes de fées pour signifier qu’aucun prince n’est venu réveiller le cœur de la Belle qui dort et qu’elle ne connaît donc pas encore le véritable amour.
Je chante pour les transistors
Ce récit de l’étrange histoire
De tes anamours transitoires
De Belle au Bois Dormant qui dort
Cette absence d’amour ne vient que de la jeune femme (« tes » anamours), le chanteur lui, souffre que son amour ne soit pas partagé. Il continue, tel le petit Poucet, à chercher le chemin qui lui ouvrira le cœur de sa belle mais il a peur de ne pas le trouver et peut, à la place, rencontrer la folie ou le délire de la drogue, suggérés par le pavot et par le terme « égarer ». « Egaré » peut aussi avoir le sens de fou et celui qui se drogue a pris le mauvais chemin. Enfin, l’amour est aussi une drogue.
Je t’aime et je crains
De m’égarer
Et je sème des grains
De pavot sur les pavés
De l’anamour
Même les souvenirs de voyage et d’amour palissent avec ce temps mort et vide :
Tu sais ces photos de de l’Asie
Que j’ai prises à deux cents Asa
Maintenant que tu n’es pas là
Leurs couleurs vives ont pâli
L’enfermement psychologique est souligné par les rimes embrassées, alors que tout se croise et s’emmêle : «hélices» ressemble à «hélas» mais rime avec «police».
La folie continue avec des sortes d’hallucinations auditives auxquelles le chanteur donne des explications surréalistes:
J’ai cru entendre les hélices
D’un quadrimoteur mais hélas
C’est un ventilateur qui passe
Au ciel du poste de police
Le mauvais chemin, la drogue, cela se termine aussi au poste de police où l’on est enfermé, là aussi, avec pour tout ciel le plafond où ronronne un ventilateur. Comme j’ai quelques restes de « bonnes manières », je ne commenterai pas « ventilateur », surtout la première syllabe, mais poste me fait penser à « postérieur » et police à « peau lisse ». Enfin « ciel » au lieu du mot attendu « plafond » est peut-être une allusion au 7ème ciel.
Bonjour et merci pour cette analyse.
Dans « je sème des grains de pavot sur les pavés de l’anamour » je n’associe pas spontanément le pavot à l’usage de drogues mais à l’addiction aux opiacés. « Je me fabrique une incapacité à aimer à nouveau, t’aimer va me rendre addict à l’anamour ». J’aime bien cet éventuel deuxième sens
Intéressant, en effet. Merci pour votre contribution.
Bonjour, merci beaucoup pour cette analyse et les commentaires.
L’an-amour transit-oire, la porte exacte, exit-excite… laisse peu d’ambiguïté en effet.
Ce qui reste nébuleux, c’est la référence à un voyage : Boeing, bateau, Asie, quadrimoteur à hélice…
Bonjour,
Je ne connaissais pas le sens de cette chanson, en recherchant l’analyse de celle-ci sur le net, je tombe sur votre site.
Votre analyse est parfaite, limpide! Merci 🙏😉
Malika
Merci pour ce retour. Je dois dire que certains commentaires de lecteurs m ont beaucoup aidée.
Et l’heptasyllabe, chiffre 7, qui déséquilibre l’harmonie et renforce l’étrangeté de cette histoire…
Merci pour ce blog qui nous ouvre à la connaissance
Merci beaucoup pour cette précision, cet article s’enrichit à chaque nouveau commentaire.
Heu l’octosyllabe, chiffre 8, le double trou…ble!
Décidément, les commentaires sont encore plus intéressants que mon article. Merci pour ce clin d’oeil !
Ce que je retiens de la chanson c’est l’opposition entre l’humour et les jeux de mots couplets et la poésie très pure et très musicale du refrain.
Une petite correction : le texte est « aucun bateau SOUS mon transat ».
Merci pour cette précision et pour votre visite.
🙂
Anamour, à la fois absence d’amour et érotisme…
Reproche à l’érotisme de ce manque cruel…
Souffrance de ne pas être aimé noyée dans une addiction à l’érotisme, cercle vicieux sans exit…
Merci pour cette analyse étymologique. Les ajouts de mes lecteurs enrichissent vraiment mon petit post de départ, avec le plaisir du partage.
Oui, c’est une bonne étude de Serge, sur les sentiments humain. Mais manque Winnicott et la créativité? Ou pour vous il y a jeu est pas sodomie?
Merci de répondre, car Serge jouait aussi, avec la mélancolie, pas la sodomie?
Vous avez raison. Mon commentaire est loin d’être exhaustif, c’est pourquoi je remercie les lecteurs qui ajoutent des pistes qui complètent mon étude et permettent de partager des points de vue. Merci à vous.
plus simple:
anagramme et amour, les mots se répondent un peu comme les cordes d’une viole d’amour( cordes inactives qui vibrent par résonance avec les cordes visibles)
ana: pas dans le sens convenu: les mots riment par leur début.
en résumé: c’ est l’anarchie esthétique mais ça tombe très bien au final.
Ajoutons le sens de la musique et du phrasé de Serge G et on tombe sur un très grand moment de la langue française.
Marcandre
je m’incline !
Tout à fait. Merci pour votre visite et votre commentaire.
Votre explication de boeing et transit bateau transat, pour moi, ne tient pas la route : d’ailleurs il dit pas de bateau SOUS mon transat et non l’inverse…; pour moi ça veut dire simplement qu’il est dans son voyage sans bateau ni avion, son voyage amoureux…quant à transit et transat, il s’amuse avec les mots c’est tout. Quant à la référence à la sodomie, je n’y crois pas du tout; pour moi il veut dire simplement qu’il cherche le bon moyen d’y arriver ou d’en sortir (à l’amour de la belle); pour le reste, le pavot etc. d’accord…
Merci d’avoir donné votre point de vue. Je ne crois pas qu’on s’amuse avec les mots sans leur donner un sens. La poésie est le seul moyen de dire plusieurs choses à la fois, c’est justement ce qu’aimait faire Gainsbourg.
« Je crains de m’égarer et je sème des grains de pavots sur les pavés de l’anamour » (= éjaculation in situ, dans un endroit à priori inapproprié, semé d’embûches ).
Désolé de vous décevoir, mais il file la métaphore tout du long…du transit.
Je suis peut etre trop terre a terre…mais « anamour », « transit », « porte exit », « je t’aime et je crains de m’egarer », j ai toujours considere cette chanson comme une ode a la sodomie tres explicite.
absolument d’accord avec vous, merci pour cette contribution.
« siège du poste de peau lisse »
Oui on ne finit pas de découvrir.
Bonjour, étant quelqu’un qui apprécie beaucoup Gainsbourg, je voulais vous féliciter pour votre finesse d’analyse et votre travail sur ce texte et sur ce site plus largement. Les textes de Serge me semblent aussi riches que bourrés d’interprétations possibles, arriver à rester analytique et clair n’est vraiment pas facile.
En vous remerciant.
Merci beaucoup pour ce flot de compliments sous lesquels je rougis. Cela m’encourage à poursuivre ce cheminement littéraire.
bonjour, je voulais tout simplement vous complimenter pour votre site… Riche d’infos, il m’a permis de confirmer que je n’étais pas complètement stupide dans ma réflexion, puisque lors d’une discussion entre amis, nous avions évoqué Gainsbourg et toute la complexité de ses textes et il s’avère que vous avez le même raisonnement que moi.. Alors que l’on me maintenait le contraire.. Pour cela, je vous en remercie car je finissais par douter de mes capacités… Je sais que ce n’est pas dramatique en soi, mais étant une personne qui manque de confiance en elle, je finissais par ne plus prendre part de ces discussions… Aujourd’hui, peu importe qu’il sache ou non que je n’était pas dans le faux… Ce qui m’importe, c’est que JE le sache… Merci… Au plaisir de vous lire….
Merci beaucoup, des commentaires comme le vôtre m’encouragent énormément à continuer mes petits écrits et mes divagations en tout genre.
Ce que j’ai compris :
Effectivement la jeune femme ne l’aime pas et multiplie les aventures sexuelles.
C’est une belle au bois dormant. En un mot elle n’est peut être pas très éveillée, et certainement moins éveillé que lui.
Lui l’aime d’un amour trés élaboré et imaginatif qui est symbolisé par l’ivresse du pavot.
Malheureseument, la douceur du pavot est confronté à la froideur du coeur pavé de mauvaises intentions de la somnambule.
Il se perds en espérant que la belle se réveillera et le prince charmant qu’il voulait être se transformera en homme à la tete de choux.
Ça résume un peu la philosophie de gainsbarre les séducteurs se font toujours larguer
Dans anamour j’entends un anagramme sonore…
« enmourrant »,quoi d’étonnant pour un chanteur d’en produire…..même ci celui-ci n’est pas conventionnel cela ressemble bien au personnage!
absolument !