Delphine Batho: Ecologie Intégrale / Le Manifeste


Je vous invite à consulter ce livre court et percutant, clair et précis, paru en 2019 aux éditions du Rocher.

Le premier chapitre reprend les constats et explications des scientifiques et les scénarios possibles ou probables, ce qui explique pourquoi « Pour les citoyens, l’alternative est désormais entre l’écologie ou la barbarie. Entre les deux, il n’y a plus rien ».

En effet, aujourd’hui « Tous les milieux indispensables à l’existence humaine, l’air, l’eau, la nourriture, sont touchés par des contaminations polluantes qui impactent nos organismes ». « Nous avons enclenché une dynamique d’effondrement des conditions d’habitabilité de la Terre. Une accélération effarante est en cours ».

Une idée force de cette femme politique est que la question écologique et la question sociale sont un seul enjeu. En effet les très riches sont les gros émetteurs de gaz à effet de serre dont les plus pauvres vont subir plus fortement les conséquences.  » Destructions écologiques et augmentations des inégalités [… ] résultent d’une même et unique cause. »

La croissance du PIB provient de la transformation de la matière et est donc par essence destructrice de notre planète. Mauvaise nouvelle, l’expression « croissance verte » n’a pas beaucoup de sens. Depuis trente ans, la déesse Croissance n’est plus corrélée à une croissance du sentiment de bien-être, à la création nette d’emplois ou à la réduction des inégalités. La nostalgie des Trente Glorieuses (les années entre 1945 et 1975) devrait laisser place à l’horreur des Trente Désastreuses, parce qu’elles portent en elles « les germes du chaos actuel ».

Le clivage gauche droite est obsolète. Cela se voit dans les sondages, dans l’abstention aux urnes, dans le fait que ces deux pôles partagent le même objectif (la croissance) et sont co-responsables de la dégradation de nos conditions de vie sur Terre. « La croissance est l’indicateur de la vitesse d’effondrement et de destruction de notre habitat: La Terre ». Un nouveau clivage politique apparaît: Terriens contre Destructeurs (sachant qu’il y a des destructeurs qui s’ignorent). Les Destructeurs conscients sont les mafia et les terroristes, qui exploitent illégalement des mines, mais aussi certaines entreprises légales et des puissances financières. Beaucoup de Destructeurs sont au pouvoir, parfois cachés derrière le sourire avenant d’un homme de paille mis en place par des lobbies, parfois plus ouvertement, comme un Trump ou un Bolsonaro. A vous de choisir votre camp.

Le rapport à la Terre doit désormais tout structurer puisque c’est une question de vie ou de mort, pour chacun de nous et de nos descendants et pour l’ensemble du vivant. Pour cela, il faut déconstruire les champs de représentation antérieurs, autrement dit tout ce en quoi nous avons cru, et c’est tellement douloureux que beaucoup préfèrent s’aveugler et se mentir. Pourtant les faits sont têtus et la physique aura toujours le dernier mot sur l’économie. Quand on nie l’existence de points de bascule, on ne prend pas en compte les limites du corps humain à supporter la chaleur ou la faim. Rien n’est gratuit, la note des coûts cachés de la pollution va bientôt nous être présentée.

Doit-on désespérer ? Non, car on observe partout une prise de conscience et un renouveau des forces vives. Une nouvelle génération d’entrepreneurs fait école. La naissance d’éco-lieux, l’imagination de nouvelles façons de vivre ensemble dans la joie, la sobriété et l’entraide sont là pour nous donner de l’espoir. Faisons confiance à notre jeunesse et à la sagesse de certains anciens. Il y a simplement un suspense dont on se passerait bien car nous vivons une véritable course contre la montre, une course à la fois de rapidité et d’obstacles, ce n’est déjà plus une course de fond: en 2025, 2030 au plus tard, les jeux seront faits.

L’effort ne sera pas le même selon que l’on est riche ou pauvre, préparé psychologiquement ou non, organisé ou non, isolé ou au sein d’un groupe. Il pourra être soutenu par des pouvoirs locaux si vous les avez bien choisis lors des élections. En effet, « résilience rime avec décentralisation car une plus grande autonomie d’action locale réduit les vulnérabilités ». C’est le contraire d’un pouvoir vertical dont nous ne voulons plus.

Delphine Batho entre ensuite dans les détails comptables d’un projet politique souhaitable et même nécessaire. Oui, c’est possible, chiffres à l’appui. Je laisse chacun lire la suite dans le Manifeste.

Je laisse le mot de la fin au philosophe Jean-Pierre Dupuy:  » La fatalité est la somme de nos renoncements ».

Quelques bases pour discuter d’Environnement


Quel effet ça fait d’être la génération qui doit sauver l’humanité ?

Un peu de vocabulaire:

  • anthropocène : ( de « anthropos: homme) « époque géologique marqué par l’influence massive des activités humaines. »
  • EROI: Retour sur investissement de l’énergie. Si on mesure l’énergie avec l’unité « Baril de pétrole », il faut aujourd’hui 1 baril pour en extraire 20. Autrefois, le rapport était de 1 pour cent barils extraits.
  • La notion de limites planétaires a été introduite en 2009 par le Stockholm Resilience Center et le terme est désormais reconnu par l’ONU et utilisé par tous les spécialistes. Ces limites, au nombre de 9, conditionnent la vie sur Terre. Ces limites sont restées stables pendant 10 000 ans, d’après les relevés scientifiques. En 2015, 4 étaient franchies: le changement climatique, la chute de la biodiversité, le changement d’usage des sols, la perturbation du cycle de l’azote et du phosphore. En 2022, nous venons de dépasser la cinquième: la pollution chimique ( et en particulier la quantité de plastique dans l’environnement). Il nous reste l’acidification des océans et l’utilisation d’eau douce (franchissement prévu avant 2050) et enfin la diminution de la couche d’ozone et la concentration en aérosols dans la biosphère.

Petite mise à jour : le cycle de l’eau douce, c’est fait. Nous venons de franchir la limite en avril 2022. Ca va décidemment plus vite qu’on ne pensait.

  • Un milliard équivaut à 1000 millions. Si nous prenons l’image qu’un million équivaut à 10 jours, il faudra plus de 27 ans pour avoir l’image d’un milliard.
  • L’effondrement d’un système signifie que ce système n’est plus en état de se reproduire et de répondre aux exigences qui le font perdurer. Cela peut être celui de la biodiversité. Lorsqu’il s’agit d’une société, il signifie que le vivre-ensemble, la solidarité entre ses membres ou les services qu’ils se rendent, n’est plus tenable. Cela passe par plusieurs phases parfois peu visibles: une plus grande inégalité ou une rupture du contrat social, des services moins bien rendus. Il s’ensuit souvent plus de violence populaire (révoltes, manifestations, révolutions) et policière ( défense d’un gouvernement qui se sent fragilisé). A la fin, certains services comme l’Education ou la Santé sont des coquilles vides, ils semblent encore fonctionner en théorie mais ne rendent plus les services qu’on attend d’eux.
  • Solastalgie: angoisse liée au dérèglement climatique et à ses conséquences. Se soigne par l’action. Adhérez à une association, il y en a de toutes sortes, vous trouverez celle qui vous convient.
  • Actifs échoués: Il s’agit de biens ou d’objets qui perdent toute valeur. Imaginons un énorme 4X4 très gourmand en essence, il peut devenir invendable en cas de pénurie de pétrole ou s’il n’est plus autorisé à rouler dans les villes.
  • Etats faillis: C’est un état qui ne rend plus les services que la population est en droit d’attendre. En 2022, la Somalie, l’Afghanistan, Haïti, La Guinée Bissau, la République Démocratique du Congo sont considérés comme des états faillis, le Yémen et le Mali, la Libye sont les prochains sur la liste.

Un peu de bons sens:

  • Notre planète est limitée, ne prélevons que ce qui peut se régénérer, en respectant le rythme naturel. Un enfant de six ans peut comprendre que rester dans des limites est en opposition avec toute idée de croissance. L’expression « croissance verte » est un oxymore, d’après l’un des auteurs du rapport Meadows.
  • S’il y a des pénuries, ça va être la foire d’empoigne. « 40% des guerres sont d’ores et déjà directement associées aux ressources naturelles ». C’est bien sûr aussi le cas de la guerre en Ukraine aux nombreuses richesses, convoitées par la Russie, même si on habille cette guerre de nationalisme ou de fausses allégations historiques.
  • Si des parties du monde deviennent invivables, le nombre de réfugiés va augmenter, quels que soient les murs qu’on élève. « Une personne sur 110 est déplacée dans le monde » ou encore « On estime à 213,9 millions le nombre de réfugiés climatiques entre 2008 et 2016 ». ( cf le Manifeste de Delphine Batho, paru en 2019 aux éditions du Rocher)
  • Même si l’idée déplait, parler de croissance, c’est aussi parler de croissance démographique. 3,5 milliards d’êtres humains en 1970 et 8 milliards en 2020 ! On double tous les cinquante ans.
  • Il est plus facile de prévenir que de guérir, c’est-à-dire d’éviter une pollution que de la traiter.
  • Le climat a une inertie qui se compte en siècles ou en millénaires, démarrer un processus est comme rouler à 180 km/h puis vouloir s’arrêter immédiatement et là, en plus, on en est encore à se demander s’il ne faudrait pas encore discuter un peu pour savoir si on va appuyer lentement sur le frein ou peut-être plus fort mais seulement dans un quart d’heure, et peut-être que le frein n’est pas la meilleure pédale, il faudrait convoquer des experts… Et puis comment être certains qu’on ne fâchera personne en appuyant sur le frein ?
  • La pandémie de la Covid est pénible, inquiétant, désespérant mais ce n’est qu’un tout petit aperçu des ruptures de nos habitudes qui vont arriver.
  • L’écologie n’est pas un luxe pour les riches, comme on voudrait nous le faire croire. Vivre sobrement, ne plus prendre l’avion, ne pas suivre des modes vestimentaires éphémères, manger moins de viande sont autant de moyens de faire des économies.
  • Une vie plus respectueuse de l’Environnement n’est pas un retour à l’âge de pierre ou aux « amish », sauf pour ceux qui ne s’y seraient pas préparés. En effet, des avancées notables proviennent justement des recherches dans le domaine de l’écologie et des expériences tentées dans les écolieux et cela dans le domaine scientifique, biologique, technologique ou sociologique, entre autres. On peut citer la permaculture ou les multiples utilisation du chanvre par exemple. Vivre dans une kerterre ou une yourte en zone rurale est-il vraiment moins enviable que de vivre dans un logement social d’une grande barre d’immeubles en banlieue surpeuplée ? Passer du temps avec ses amis et sa famille est-il horrible au point qu’on préfère la routine du boulot-métro-dodo ? Le futur peut être désirable, si nous faisons ce choix.
  • Pour encore très peu d’années, nous avons deux atouts dans notre manche: la carte bancaire et la carte d’électeur. Ah, là encore, c’est raté pour les élections en France, en 2022.
  • Il nous reste 3 ans pour agir avant que la machine ne s’emballe !!!
  • Il est trop tard pour éviter les catastrophes mais on peut encore amoindrir les chocs. Se préparer demande des efforts mais « la fatalité est faite de nos renoncements » ( JP Dupuy- philosophe).
  • Changer de paradigme, de système de pensée, de régime politique fait peur. On s’accroche à ce qu’on a plutôt que de foncer tête baissée dans l’inconnu et je le comprends mieux que personne. Le problème est qu’on n’aura pas le choix, en tous cas pas ce choix-là. L’alternative est une société plus sobre et plus juste ou la barbarie. Si vous ne vous décidez pas à agir pour vous-même, faites-le pour mes adorables petits-enfants.
  • Quel calendrier ? Personne n’a de boule de cristal mais le rapport Meadows avait prévu le début des problèmes pour 2020, Le GIEC parle souvent de 2050, beaucoup de scientifiques et d’effondristes comme Yves Cochet évoquent plutôt 2030. L’auteure des « Fantômes du Futur » imaginait en 2018 une phase difficile de 2023 à 2030. Et tous ces gens-là reconnaissent aujourd’hui que ça va plus vite que ce qu’ils avaient calculé ou imaginé. On parle d’emballement. En fait, cela a déjà commencé, de façon plus forte dans certains endroits du monde. Au Liban, 60% de la population est en-dessous du seuil de pauvreté. ( source: Amin Salam, ministre libanais de l’économie). L’Asie du sud-est serait la première région du monde à devenir inhabitable.

Dernier conseil: assistez à une Fresque du Climat, vous comprendrez beaucoup de choses en un temps record et en ressortirez dynamisé, plein d’envie d’agir.

Pour aller plus loin:

ENVIRONNEMENT- EFFONDREMENTS et RESILIENCE

Historique et représentations mentales de la croissance

Juste la fin du monde


Ce film franco-canadien sorti en 2016 et réalisé par Xavier Dolan a été malheureusement remis en lumière en ce début d’année 2022 à l’occasion du tragique accident de ski de son acteur principal : Gaspard Ulliel.

La distribution est excellente et le film nous touche par sa densité et son universalité, à partir d’un synopsis très simple, d’après une pièce de JL Lagarce: un jeune homme très malade revient au domicile familial après 12 ans d’absence pour y annoncer sa mort prochaine. Cette dernière journée déroule la quintessence d’une vie familiale avec ses moments de rire, de tendresse ou de nostalgie, ses disputes et ses jalousies.

Parti sans explication peu après le décès de son père, Louis, le cadet, est devenu célèbre par ses reportages. Il a laissé un trou béant dans sa famille qui n’a de ses nouvelles que par les média. Sensible, intellectuel, homosexuel, il est en décalage complet par rapport à ses proches et c’est aussi un homme renfermé, qui a toujours eu du mal à communiquer oralement.

Entre les sous-entendus, les non-entendus, les malentendus et les dénis, les interruptions et le manque d’écoute, il ne parvient pas à dire les mots qu’il est venu apporter. Et pendant ce temps, la pendule continue de sonner les heures de cette dernière journée ensemble. Louis va pourtant avoir l’opportunité d’un échange particulier avec chaque membre de sa famille mais la communication est un exercice difficile. Il faut trouver le bon moment et avoir un code commun. Il faut être deux à avoir envie de s’exprimer et surtout d’écouter l’autre, de s’intéresser à ce qu’il a à dire. Et puis il y a tout ce qu’on préfère ne pas savoir et que peut-être il vaut mieux taire, quand il est trop tard.

La famille s’est mal reconstruite autour de son absence. Il est à la fois celui qui a réussi et celui qui a failli. Sa réussite sociale extérieure est affichée sur les murs sous la forme d’articles de journaux découpés alors que sa place dans la maison prend l’allure d’un remord que l’on traine. Ses affaires d’enfance et d’adolescence accumulés dans un débarras ont pris la poussière. On sent la nostalgie mais les souvenirs s’effritent, à peine en reste-t-il des images floues: le passé est définitivement perdu.

Le personnage de la mère ( Nathalie Baye) est particulièrement intéressant. Elle tente toujours avec un temps de retard de sauver les apparences, à l’image de la scène de l’arrivée de Louis où elle étale du vernis sur ses ongles et qu’il n’a pas le temps de sécher. Ce vernis semble être sa préoccupation principale. De même, elle s’inquiétera du bruit des disputes à table par rapport aux voisins. A défaut d’avoir une famille unie, elle voudrait au moins momentanément en sauver l’illusion.

Elle fume en cachette mais le débarras du jardin où elle se réfugie est aussi le lieu secret où elle s’autorise à être elle-même. C’est là que dans un instant de tête-à-tête avec son fils, l’essentiel ne sera pas dans les mots, même pas dans ce « je t’aime » qu’elle lui lance, mais dans cette longue étreinte d’adieu. Pour le reste, elle parle sans lui laisser la place de s’exprimer. Elle a bien senti que c’est la dernière fois qu’elle voit son fils mais elle ne veut rien savoir. Elle lui demande de mentir à sa soeur, de lui faire croire qu’elle sera la bienvenue chez lui. De lui faire croire qu’il l’aime, qu’il s’intéresse à elle. Parfois, les apparences peuvent être un baume.

Elle aura un reproche: il n’était certes pas l’aîné, mais la place de chef de famille lui revenait au décès de son père, parce qu’être plus doué que les autres vous oblige à des responsabilités.

Suzanne (Léa Seydoux), la benjamine, n’a pas de souvenir de ce frère qu’elle idéalise. Son absence l’a détruite, la petite fille est devenue une camée sans perspective d’avenir. Elle est un reproche vivant.

Il n’avait jamais rencontré Catherine (Marion Cotillard), la femme de son frère. Maladroite dans ses paroles, et par là-même touchant juste, celle-ci jouit d’une position extérieure qui va lui permettre presqu’immédiatement de tout comprendre. Elle parle vrai, sans détour, dans une communication qui n’est pas polluée par les liens affectifs. Elle lui fait comprendre à quel point il a délaissé sa famille, non pas seulement en s’éloignant géographiquement mais surtout en n’ayant pas le moindre intérêt pour la vie de ses proches. Il ne sait pas quel métier fait son frère, quel est le problème de leur fils aîné, ni l’âge de ses nièces. Tout était à sens unique, pour lui la lumière, pour eux l’obscurité. Elle acceptera de se tenir à l’écart et de se taire, dans son rôle de témoin.

Le frère aîné, Antoine, est insupportable de bêtise, de rancoeur et de méchanceté. Il est la matière brute opposée au raffinement du vocabulaire et des pensées de Louis. On croit d’abord que sa violence vient d’un manque de mots ou d’intelligence ou peut-être d’un sentiment de jalousie. C’est surtout un homme blessé. Lui non plus ne voudra rien savoir de cette mort prochaine, de de dernier départ qui sonne comme un deuxième abandon. Il ne pardonne pas. Antoine incarne une des phases du deuil : la colère et l’incompréhension. D’un multiple deuil d’ailleurs, celui du temps qui ne se rattrapera plus d’abord : avec ses mots simples, il soulignera combien celui qui n’a pas vu grandir leur petite soeur est passé à côté de la vie. Le deuil de la mort définitive, finalement, n’est pas le plus lourd à porter.

Louis était venu dire adieu, il aura surtout eu l’occasion d’exprimer ses regrets. Il venait leur apprendre qu’il allait partir définitivement, expliquer pourquoi ce dernier rendez-vous important avec la mort l’empêchait de prendre le dessert avec eux, d’aller jusqu’au bout de leur histoire commune, peut-être d’en vivre le meilleur. C’est lui finalement qui aura beaucoup appris, sur la vie, le passé, le présent. Et sur le fait que parfois, quand on s’en va, on s’aperçoit qu’on était déjà hors de sa vie et qu’il n’est pas certain qu’on manquera encore à quelqu’un. Leur deuil pourra peut-être enfin se faire car il est plus facile de ne plus espérer de retour que de rester dans l’incompréhension de l’indifférence d’un vivant.

Le départ est brusqué, on voudrait encore une heure, quelques minutes. C’est trop tôt. Et puis il y a cette phrase de Louis qu’Antoine ne lui laisse pas terminer: « je dois partir ». Peu importent les raisons du départ, pardonne-t-on si facilement aux défunts de nous avoir abandonnés ? Est-on jamais prêts ? Y a-t-il une heure, une date, qui puisse être le bon moment?

Le rapport Meadows

Quelques explications sur le célèbre rapport Meadows


Ce texte a pour source une interview récente de Dennis Meadows et tente de donner quelques informations sur ce fameux rapport Meadows dont on parle beaucoup à l’heure actuelle.

En 1970, on demande à un groupe de chercheurs du MIT (Massachusset Institute of Technology) une étude sur l’avenir de l’humanité. Il s’agit de simulations par ordinateur. Selon les choix politiques qui seront actés, on aboutit à 13 scénarios possibles, le plus catastrophique étant dénommé « Business as usual », c’est-à-dire « on continue comme avant ».

Ce rapport a eu un immense retentissement, a été traduit en 35 langues et des scientifiques l’ont comparé année après année à la réalité et en 2020 il colle parfaitement à la réalité. Et nous avons suivi le pire scénario.

Remarque: le dérèglement climatique n’apparait pas dans ces calculs, il est en « bonus », mais la fin de nombreuses ressources, si.

Ce rapport a évidemment été très critiqué dès sa sortie, surtout par des économistes ne l’ayant pas lu. Entre évoluer et critiquer, il est évident qu’il est bien plus facile de critiquer.

En 1972, la population mondiale a atteint 3,6 milliards d’habitants et double tous les 32 ans. A titre de comparaison, au XVIIème siècle, elle n’est que de 500 000 habitants et ne croît que de 0,3% par an. Le rapport prévoit pourtant que nous n’atteindrons pas le poids insupportable de 12 milliards d’habitants parce que la Nature réagit toujours en cas de surpopulation d’une espèce: si on ne restreint pas la fécondité politiquement, des épidémies ou des famines feront le travail, sans parler des guerres.

Quelle démographie ? Cela dépend du train de vie, évidemment, mais il faudrait plutôt être un milliard d’individus que neuf milliards sur notre planète. On peut continuer d’avoir des enfants mais en moins grand nombre et le problème est surtout la répartition des richesses. Ce sont les insatiables très riches qui sont au coeur du problème.

On s’aperçoit aussi que la croissance économique mondiale est encore plus rapide qu’en 1970, alors même que le bien-être moyen de la population mondiale ne s’améliore plus et qu’il a même tendance à diminuer. On sait aussi que la croissance, verte ou autre, ne peut être infinie dans un monde limité. L’expression « développement durable » est un oxymore, comme le souligne Dennis Meadows.

Le début des gros problèmes était prévu en 2020. Depuis 1970 ! Pourquoi sommes-nous incapables de réagir à temps ? Depuis la nuit des temps, l’esprit humain n’a pas eu besoin d’anticiper à long terme, il n’est pas formaté en conséquence. Il agit quand il voit le problème. Malheureusement, le climat a une inertie qui se compte en siècles, un peu comme si on se rendait maintenant compte qu’on est monté dans un train fou.

Ajoutons à cela qu’une société diversifiée, comprenant plusieurs groupes différents dans leurs coutumes, leurs opinions, leur niveau de vie, etc. évolue plus difficilement car il est presque impossible d’obtenir un consensus, il y a toujours un groupe qui est contre. De plus, la plupart des gens ne partent pas d’informations pour trouver des solutions, comme le ferait un esprit scientifique mais plutôt d’une solution qui leur convient et trouvent ou inventent ensuite des informations qui corroborent ce choix.

D’après Dennis Meadows, interrogé récemment, le bien-être et le confort vont poursuivre inéluctablement leur décroissance. Il insiste sur la notion de dépassement en prenant l’exemple d’une personne qui aurait économisé pendant trois ans puis qui dépenserait plus qu’elle ne gagne. On comprend vite que tout va bien pendant un certain temps, tant qu’elle vit sur ses économies, puis qu’elle ne peut plus ensuite continuer avec le même train de vie et qu’elle doit impérativement réduire ses dépenses, d’autant plus si elle n’a pas réagi immédiatement et qu’elle s’est endettée. Aujourd’hui, sans croissance continue, si quelqu’un a plus, un autre aura moins.

Le professeur Meadows prend l’image de parents qui ont un bébé. Ils souhaitent qu’il mange bien et qu’il se développe, qu’il grandisse et prenne du poids. Cependant, à l’adolescence, ils ne souhaitent plus qu’il continue à grandir et à prendre du poids mais plutôt qu’il s’améliore intellectuellement. Pourquoi ne fait-on pas de même avec le monde physique ? Pourquoi nos mentalités n’évoluent-elles pas et ne s’adaptent-elles pas ? « Plus » ne signifie pas « mieux ».

L’idée de succès s’est rétrécie au fait d’avoir plus d’argent. Une vie réussie n’est plus comme auparavant associée à des qualités, comme être un musicien extraordinaire, par exemple, mais au fait de détenir une montre extrêmement chère. La publicité incite également à cette distorsion des valeurs. Il y a donc hélas peu d’espoir d’évolution radicale dans une démocratie. Les riches et tous ceux qui gagnent au système actuel font obstacle à tout changement.

Comment la fin de la croissance va-t-elle se manifester ? « C’est là un problème de court terme », répond Dennis Meadows, « la Nature frappe en dernier ». Pour le moment, en Europe, on fait tourner la planche à billets, en privilégiant le court terme, cette monnaie va donc s’effondrer tôt ou tard car le système n’est pas viable ou alors il va devenir très différent de ce qu’on connait..

On lui pose souvent la question: » Allons-nous parvenir à résoudre le problème? » Mais le problème sera résolu de toutes façons, répond-il, et certainement pas comme on aimerait qu’il le soit. En fait la question que les gens se posent est plutôt: « Est-ce que les riches blancs du Nord vont garder leurs privilèges et leur façon de vivre ? » La réponse est non car cette société ne peut pas durer beaucoup plus longtemps. En aucun cas une société énergivore ne pourra subsister. Cependant cette ère de transition pourrait peut-être s’étaler sur plusieurs centaines d’années. (Personnellement, je suis persuadée que ce sera bien plus rapide).

Le problème n’est pas la démocratie ou quelque système politique que ce soit, mais plutôt les objectifs que ce système se donne. La démocratie elle-même prend d’ailleurs des formes très différentes selon les pays. Si l’objectif est la croissance, comme c’est le cas dans les pays occidentaux en ce moment, c’est fichu. Il faut savoir qu’en cas de crise, les populations choisiront toujours l’ordre plutôt que la liberté. Les promesses d’un dictateur sont mensongères mais simples à comprendre et on a envie d’y croire. Le capitalisme ne serait pas un problème s’il ne négligeait pas les contraintes écologiques, mais il se heurte à de grandes difficultés: comment par exemple taxer le carbone dans les zones de libre-échange, quand chacun fait ce qu’il veut ?

Il est trop tard pour éviter les catastrophes mais on peut encore en limiter la portée en s’adaptant aussi vite que possible. Quels sont les choix qui nous restent? Un problème est défini par la différence entre ce que vous voulez et ce que vous avez, il faut donc soit acquérir plus soit désirer moins pour être heureux.

Il y a deux catégories de problèmes : Les mondiaux, qui demandent une action concertée et que personne ne peut résoudre à lui seul et les universels. Pour ces derniers, chacun peut agir là où il se trouve, en tant qu’individu ou plus sûrement au sein d’un pouvoir local, au niveau d’une commune ou d’une communauté de communes. Cela peut porter sur la pureté de l’eau ou une criminalité locale, la déforestation autour de chez soi, etc.

La résilience est de pouvoir supporter les chocs à venir. Aujourd’hui, on cherche à augmenter l’efficacité au dépens de la résilience. Par exemple, une seule usine d’essuie-glaces dans le monde est plus efficace, c’est-à-dire moins chère à la production. En cas de problème cependant, il n’y a pas de solution de rechange. Pour être résilient il faut placer des tampons anti-chocs, des réserves, plusieurs sources d’approvisionnement… Posons-nous les questions : de quoi ai-je besoin ? Comment puis-je l’obtenir ? En cas de panne ou de rupture, quelles plan B ai-je prévu ? Avoir plusieurs compétences, diversifier ses réseaux améliore la résilience.

Il faut comprendre que tous ces problèmes comme le covid ou l’érosion des sols, le changement climatique ou autre sont en fait des symptômes. Soigner les symptômes n’a pas de sens sur le long terme. Dans 300 ans, le niveau de l’eau pourrait monter de 15 à 20 mètres, placer une digue sur trois mètres est un cautère sur une jambe de bois. Il faut aller à la cause de tous ces problèmes, qui est clairement identifiée: c’est la croissance, y compris démographique.

Ce dont le rapport ne peut rendre compte, ce sont les événements disruptifs comme la récente pandémie de covid et surtout sa gestion. En prenant en compte ces alea encore inconnus mais qui arrivent forcément une année ou l’autre, j’ai pour ma part plutôt l’image d’un escalier que d’une courbe pour notre avenir.

Gardons à l’esprit cependant qu’un mal apporte souvent un bien, ainsi le premier confinement a-t-il un peu et temporairement amélioré le niveau des émissions de CO2. Il a également contribué à un changement de priorités chez nombre de nos concitoyens, valorisant la vie familiale et non plus l’argent gagné au travail, habituant certaines entreprises au télétravail, rendant la Nature et les zones rurales plus attractives. Ces choix politiques ne se traduisent malheureusement pas encore dans les urnes ou en tous cas dans les sondages.

Faut-il en pleurer ? « A quoi sert d’être malheureux devant l’inéluctable ? » réplique le vieux chercheur.

Pour continuer dans ce thème:

Le piège à singe

Les Fantômes du Futur

ENVIRONNEMENT- EFFONDREMENTS et RESILIENCE

Conférence sur l’effondrement de notre société.

texte de Catherine Bernard

La Vie est ainsi faite


La vie est ainsi faite

La première cordée n’a pas beaucoup avancé, c’était difficile, et tout à inventer.

 Ils ont planté le drapeau de l’humanité.

La deuxième vague s’est mise en marche, fièrement, sur les traces. Poussé le drapeau un peu plus loin, oh ! pas beaucoup, mais un peu tout de même, à force d’observation et de persévérance, dans les conditions inimaginables de la vie du début.

La vie est ainsi faite, l’humain est extraordinaire.

Il y eut beaucoup, beaucoup d’autres parents qui ont tout fait pour bien préparer les enfants, pour qu’eux aussi progressent un peu.

La vie est ainsi faite, l’humain est programmé pour toujours plus.

 Les conseils des anciens se sont perdus, ceux qui parlaient de respect et d’équilibre, de tenir sa juste place, tout ça.

La vie est ainsi faite, l’humain manque de sagesse.

Et puis, ils ont voulu aller plus vite. Pas bien loin, pas tous, parce qu’ils n’étaient déjà plus ensemble.

La vie est ainsi faite, l’humain est égoïste.

 Ils croyaient avancer qu’ils reculaient déjà, dans leurs têtes et surtout dans leurs âmes. Ils avaient tout, pas faim ni rien, mais l’héritage, ils le voulaient pour eux, sans souci des suivants. Ils ont bien profité, ils n’ont pas préparé la piste, ils ont savonné la planche.

La vie est ainsi faite, l’humain n’a rien compris.

Les enfants sont arrivés au départ, même pas en colère. Ils ignoraient qu’ils étaient les derniers, c’est tout.

La vie est ainsi faite, l’humain n’entend que ce qui l’arrange.

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