La Horde du Contrevent / Alain Damasio


Je ne parlerai pas de ce roman touffu et inclassable mais d’une petite scène. Imaginez un poète jouteur et saltimbanque qui décrit une cosmogonie nouvelle, peut-être celle en laquelle il croit ou peut-être vient-il de l’inventer pour faire briller les yeux de ses compagnons le temps d’une soirée. Qui sait ? L’auteur est musicien, la naissance de cet univers n’est pas expliqué mais plutôt chanté, les images naissant par bribes des sonorités et du rythme. Ce passage traite plus particulièrement des corps humains.

« […] Nous sommes tous si fiers de nos formes ! Tellement imbus de nos contours, de nos limites, de nos carrures ou de nos peaux ! Tout ça est fait de la même chair pourtant, même vie dedans, même vent ! Il n’est que les vitesses qui changent et une certaine densité des grains, quelque part dans l’arc-en-ciel des compacités. »

S’est-on même aperçu que certains termes sont inventés. Ils sont si signifiants qu’on a l’impression de les connaitre. Ainsi « compacité » nous fait ressentir l’architecture de la cité, mêlée à la qualité compacte et opaque de la matière, fût-elle sableuse. Comment ceci fait corps grâce à la vitesse d’un vent originel nous renvoie à l’opacité du Mystère. Avec Alain Damasio, la lecture, même silencieuse, est bruissante de sons et de sens. Je trouve même à ses textes , parfois, une certaine parentalité avec le souffle épique et la sensualité des écrits de St John Perse.

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