Professeur de Lettres dans une ancienne vie, grande lectrice depuis l’âge de 5 ans, j’ai toujours pensé que la littérature m’avait plus et mieux éduquée à la vie que mes parents, pourtant très attentifs à l’éducation qu’ils me donnaient. Je pense qu’il est maintenant urgent de redonner aux arts et à la littérature l’importance et la place qui devrait être la leur à l’école. Tout le reste peut s’enseigner, plus ou moins tard, plus ou moins longtemps : les arts et la littérature sont une formation de l’esprit, non un remplissage, ils sont la base. Ils forment aussi à l’humour, au rire, à la dérision, qui sont les meilleures barrières contre les extrémismes. Les principales cibles des dictateurs et des intolérants ont toujours été les livres, les artistes, les écrivains, les journalistes. Et donc, il faut de toute urgence lire et faire lire Tahar Ben Jelloun et en particulier son dernier livre : Mes Contes de Perrault.

Je suis une fan de Charles Perrault, je ne peux pas me décrire autrement. J’ai donc commencé ce livre avec curiosité et un petit sentiment négatif, il faut l’avouer. On ne touche pas aux idoles comme ça ! Et j’ai été conquise car bien évidemment Ben Jelloun ne copie pas Perrault mais en fait ressortir la quintessence et toute l’actualité en le transposant en pays arabe, pays de tradition orale, de contes et légendes s’il en est.
Dans La Petite à la Burqua Rouge, par exemple, le loup appartient à la secte des Hypocrites, qui disent agir au nom de la religion alors qu’ils se préoccupent surtout de s’enrichir grâce à des trafics de toutes sortes, et en particulier la drogue. Tahar Ben Jelloun frappe fort et parle vrai. C’est exactement ce que sous-entend Perrault dans sa morale du petit Chaperon Rouge :
Je dis le Loup car tous les loups ne sont pas de même sorte
[…]
Mais hélas ! Qui ne sait que ces loup doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux
A notre époque où tant de jeunes filles naïves partent en Syrie en croyant s’engager dans l’humanitaire et découvrent toute l’horreur de la guerre, puis se font tuer soit parce qu’un loup doucereux a réussi à les endoctriner pour en faire des bombes humaines, soit lorsqu’elles essayent de s’évader, comment ne pas penser à ce loup de la fable qui dévore celles qui l’ont écouté et cru. Il n’y a pas à proprement parler de morale à la fin de l’histoire telle que la raconte l’auteur mais cette pensée de la jeune héroïne qui commente « L’homme est un loup pour l’homme » en disant cette phrase terrible :
« L’homme est un homme pour l’homme ».