
Tous les groupes humains ont un certain vocabulaire spécifique qui permet en quelque sorte de se sentir appartenir à ce réseau. Les familles ne font pas exception. Étant à moitié gueule noire et à moitié ventre jaune, ainsi qu’on surnomme les autochtones, je livre ici quelques expressions de la région de Feillens dans l’Ain ou du bassin minier en Saône-et-Loire.
Ces expressions étant uniquement orales, l’orthographe est phonétique.
Amusez-vous à ajouter les vôtres en commentaire.
D’abord l’Ain, vers Feillens et Manziat.
- Avoir la tête en épingles : prendre conscience tout à coup d’une bourde et sentir à cet instant la tête vous picoter.
- Être gadru: être physiquement maladroit
- pigonner: lancer de petites piques dans la conversation
- fions: petites méchancetés glissées dans la conversation. (helvétisme)
- Être d’un tas: se sentir endormi dès le matin
- le kmo: sorte de flan qu’on met sur une tarte (la tarte au kmo). Variante familiale récente : le « knock »
- vrai: s’emploie comme adverbe devant un adjectif, à la place de « très » ou de « vraiment ». Par exemple : « il est vrai agréable », « c’est vrai sale par ici ».
- rien: signifie « pas du tout ». Par exemple « il est rien méchant » pour « il est vraiment très gentil ».
- besin: adjectif qualifiant un travail ennuyeux, monotone, qui vous enlève toute énergie à force d’ennui. « j’ai rangé le placard, c’était besin. »
- frelin : « Il prend son frelin ! », c’est une sorte de grain de folie ou d’idée fixe.
- foin: du bruit, de la gêne, du travail. Cela dépend du contexte mais c’est négatif. « Quel foin! » ou « faire ça, c’est tout un foin! ». C ‘était même devenu une insulte entre mes enfants qui se traitaient de « petit foin ».
On s’aperçoit qu’il faut souvent de longues explications et qu’un synonyme parfait ne se trouve pas facilement.
Puis le bassin minier, région de Le Creusot- Montceau (bien rouler le r à la bourguignonne en prononçant)
- Les feurtaches :les hautes mauvaises herbes des fossés ou des taillis. « Ne va pas dans les feurtaches ».
- Une bouchure : une haie. « Je n’ai pas vu le panneau à cause de la bouchure »
- un tariot: un fossé. « la voiture est allée au tariot »
- une denrée : un femme qu’il aurait mieux valu ne pas rencontrer. Problèmes assurés. « sa femme, c’est une denrée »
- un daudis : on traite quelqu’un de daudis lorsqu’il se comporte comme un benêt un peu pénible.
- tourner à piston : mettre du désordre
- la chanson du poulet rouge : une demande qui revient trop souvent.
- être « nez-de-boeuf » (prononcer boeuf comme au pluriel) se dit de quelqu’un d’un peu niais ou lent d’esprit, quelqu’un qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez.
- un embarrasse-boutique : le sens est évident, quelqu’un qui reste dans vos jambes.
Et puis comme dans chaque famille, un mot utilisé par hasard ou déformé qui finit par être utilisé dans le cercle familial:
- Un zegouzi : un petit piquet de tente
- une charrue: un objet encombrant et pénible à supporter, bruyant ou entraînant une gêne.
- un jappon: un chien qui jappe trop souvent
Et la grammaire ?
- Pour ne pas avoir à énumérer tous les membres d’une même famille, on va souvent dire ou entendre par exemple : « Dominique sont venus hier ». Chacun comprend « Dominique, son conjoint et ses enfants sont venus hier ».
- Lorsque plusieurs personnes d’une même famille portent le même prénom, on les différencie en ajoutant en complément le prénom de leur conjoint (e). Cela ne fonctionne que dans un sens, « la pièce rapportée » est ainsi dénommée, jamais la personne du sang de la famille. On entendra par exemple « Paul mon frère » s’il y a deux « Paul » du même sang, deux cousins par exemple, quel que soit le prénom de leurs épouses et « Jean à Carole », si Carole, membre de la famille, a épousé un dénommé Jean.
Et les idées toutes faites ?
- Un « mari d’institutrice » était selon mon aïeule un homme paresseux qui s’était marié avec une femme fonctionnaire de manière à ne rien faire lui-même et avoir quand même le vivre et le couvert. L’inquiétude prenait corps lorsque le mari en question était de surcroît poète ou musicien, artiste… Peu importe que sa femme soit ou non institutrice.
En voyageant, j’ai recueilli d’autres expressions amusantes :
Italie: l’équivalent du « coup de balai en travers » bien connu des ménagers et ménagères est balayer « dove balla il gatto », c’est-à-dire « où danse le chat ».
Québec : ne pas exagérer est « ne beurre pas trop épais ».
Et pour finir un petit texte amusant : La cousine Lucienne
Bonjour,
J’ignore si c’est local à mon pays du Bugey, mais mon père me disait souvent « Tâche moyen de faire tes devoirs, avant de jouer », consigne qui n’appelait pas le refus ni les excuses… J’ai évidemment transmis cette expression à mes enfants 🙂
Je pense que c’est une expression locale en effet mais elle est bien claire, on n’a pas envie de désobéir 🙂
Merci pour cet ajout.