
Théodore de Banville
La Femme aux roses
Magnifique ode à la beauté féminine que ce poème publié en 1823 et dont le titre rappelle celui d’un tableau !
Le premier mot est déjà un choc, séparé du reste du texte par une virgule pour concentrer l’effet de surprise puis relié par la conjonction « et » car le regard s’attarde ensuite sur les détails. La suite, à partir de « laissant » semble onduler comme les cheveux avec un rythme 3 +.3 + 3 +3 +3 +3.
Nue, et ses beaux cheveux laissant en vagues blondes
Courir à ses talons des nappes vagabondes,
Elle dormait, sereine. Aux plis du matelas
Un sommeil embaumé fermait ses grands yeux las,
Le thème de la femme surprise dans son intimité a séduit de nombreux artistes. L’auteur se pose un peu en « voyeur », et le lecteur avec lui.
Avec « embaumé », l’odorat est sollicité et non plus seulement la vue. On suppose que le corps de cette femme est parfumé, bien que l’adjectif se rapporte au sommeil, soulignant la sérénité de ce repos.
Pose naturelle donc et le thème de la nature est également présent dans les bras comparés à des ailes, mais une nature un peu arrangée toutefois : la coquette repose sur des dentelles et les flots de ce tissu aérien fait écho aux vagues des cheveux de la belle!
Et ses bras vigoureux, pliés comme des ailes,
Reposaient mollement sur des flots de dentelles.
Or, la capricieuse avait,d’un doigt coquet,
Sur elle et sur le lit parsemé son bouquet,
Arrangement certes mais en fait écho de la beauté naturelle de la femme à celle de la nature. Par exemple « écloses » qui pourrait logiquement concerner les roses s’accorde en fait avec les « splendeurs » du corps féminin. Comment mieux exprimer que cette femme a la beauté des roses !
Et, – fond éblouissant pour ces splendeurs écloses !-
Son corps souple et superbe était jonché de roses.
La vie palpite : rien d’un gisant dans la position du corps, aucune raideur comme le suggère l’allitération en [s] dans « son corps souple et superbe « .
Echo entre la beauté naturelle du corps et celle de la nature lorsque la blancheur de la peau et la forme des seins sont comparés à des coteaux neigeux et le rouge des lèvres et des bouts des seins semblent similaires à des boutons de roses.
La coquetterie est sous-jacente, faisant de cette femme non un simple corps mais bien une personne avec son caractère coquin (les lèvres de flamme sont prometteuses) et son ambivalence puisqu’elle montre « à dessein », tout en « rougissant » de pudeur, enfin en fait, ce sont les roses qui rougissent..
Et ses lèvres de flamme, et les fleurs de son sein,
Sur ces coteaux neigeux qu’elle montre à dessein,
Semblaient, aux yeux séduits par de douces chimères,
Les boutons rougissants de ces fleurs éphémères.
Tableau éphémère comme la beauté des roses, bien sûr, mais qui séduit les yeux de l’amant et du poète qui n’est pas dupe de ces « douces chimères ». L’amour est vu comme un plaisir éphémère mais tellement doux, une illusion à laquelle on se laisse prendre volontairement et comme l’auteur, on apprécie la beauté de cet instant si précieux.
Une réflexion sur « Théodore de Banville ! La Femme aux Roses »