La cousine Lucienne


Originaire du bassin minier, où on fait traditionnellement précéder le prénom d’un article, la Lucienne était ce qu’on appelle « forte en gueule » et je ne me lassais pas de l’écouter parler. Elle était née la même année que ma grand-mère Pauline, en 1911. Elle disait souvent: « Quand l’une viendra à manquer, l’autre va s’étonner », ce qui signifie en langage d’aujourd’hui : quand l’une décédera, l’autre aura très peur (de sa mort proche). Le verbe s’étonner est pris ici dans son sens premier, il est de la famille de « tonnerre », et on est terrorisé par le tonnerre, rappelez-vous les gaulois qui craignaient que le ciel leur tombe sur la tête.

Maintenant qu’elle a depuis longtemps quitté notre monde, j’aimerais livrer un petit texte composé avec ses expressions savoureuses et des anecdotes qu’elle m’avait racontées, comme si c’était elle qui parlait encore..

La Jeanne

La Jeanne, j’pourrais en parler des heures. J’suis toujours à lui chercher noise, à redire ses défauts. Faut dire qu’elle en a, c’te garce !

Quand ma fille a divorcé, j’trouvais que la famille d’vait s’mettre de son côté, la soutenir, quoi…La Jeanne, c’est ma bru, l’est d’la famille tout d’même, bien que j’ai jamais été d’accord pour qu’elle y rentre. Bref, voilà pas qu’elle a pris le parti du Paul, disant que si l’était coureur, c’était d’la faute à sa femme qu’était pas une tendre. A l’époque, je lui ai fait rentrer les dents et depuis je lui garde un chien de ma chienne.

Hier, elle vient me voir, comme tous les jours. J’lui ai ben trouvé un drôle d’air, mais j’y ai pas prêté attention sur le moment. Ce n’est que ce matin qu’ j’ai fait le rapprochement, quand elle a téléphoné. V’là-ti pas qu’elle chougnassait ! Et « mamie » par ci et « mamie » par là. Tout ça parce que l’ Gaëtan, mon gars, l’a pris une bonne amie ! Sur le moment, j’étais ben trop contente. j’ai eu vite fait de la consoler :  » T’y trouvais si bien quand c’était le Paul, tu t’en rappelles pas ? »

Mais fallait qu’ça finisse tout de même, elle allait pas rester la joue collée contre l’œil encore longtemps, non ? J’lui ai dit : « T’en fais pas, va, ça se voit pas sur la figure, c’en est plein les rues des femmes trompées… »

Pour finir, vous pouvez aller voir l’article sur les expressions locales et familiales.

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