Risquer sa peau avec Whigi


Texte de Pierre.

Pierre est né en 1930, c’est lui qui parle ici.

Quand je dirigeais la colonie de vacances de Lettra, le directeur de la maison de repos contigüe m’emmenait chaque semaine au marché de gros à Lyon, afin de faire nos achats de nourriture de la semaine pour nos collectivités respectives. Il fallait être courageux ou inconscient pour monter dans sa 403 commerciale car Whigi avait un principe de conduite très simple : l’accélérateur au plancher en toutes circonstances ! J’exagère à peine. Il n’y avait pas limitations de vitesse à cette époque, la fin des années ’60, et encore moins de radars. Whigi justifiait son comportement en expliquant que, par exemple, si on passait un carrefour en une seconde, on avait deux fois moins de risques d’avoir un accident que si on le passait en deux secondes. Et doubler au sommet d’un côte ? Pas de problème selon lui car, disait-il, « s’il en vient une en face, je le sens. »

De fait, il n’avait jamais eu de gros problèmes, sauf pour moi qui avait un peu mal aux muscles des fesses, à force de les serrer. Un jour pourtant, le voilà qui entreprend de doubler un camion, avant un virage et donc sans aucune visibilité. Toute observation de ma part étant inutile, je m’abstiens donc et me contente de penser… de penser que si une voiture arrive en face, à la vitesse où nous allons, c’est la mort assurée. Les véhicules n’avaient aucun équipement de sécurité, évidemment,  ceinture et airbag attendaient encore d’être imaginés. Voilà donc qu’en face, justement, arrive non pas une petite voiture mais un autre camion. Whigi ne peut pas accélérer, il est déjà au maximum, freiner n’est pas la solution : la 403 se retrouverait coincée entre les deux camions. Seule possibilité : continuer. Eh bien, puisque vous lisez ces lignes, c’est que nous sommes passés… dans le concert de klaxon que vous pouvez imaginer et parce que les deux camions ont eu le réflexe de monter sur l’accotement, nous créant bien opportunément une troisième voie. Et Whigi s’est bien gardé d’aller les remercier ! Pas fou !

A quelque temps de là, il reçoit une jeune stagiaire à la maison de repos. Un jour, elle lui demande de lui laisser conduire la 403. Il n’ose pas refuser et prend cette fois-ci, la place du passager. C’est difficile à croire mais cette fille était pire que lui dans le domaine de la conduite ! Alors à son tour de serrer les fesses. Après un passage particulièrement vicieux à négocier, il ose tout de même une remarque. Réponse de la jeune fille :  » C’est mon mec qui m’apprend à conduire, il est pilote de course, il m’apprend comme ça ! Mais je vais passer mon permis bientôt. »

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