Baudelaire  » A une passante »


Charles Baudelaire
Charles Baudelaire

 J’ai choisi de faire part de mes réflexions sur le premier quatrain d’un sonnet de Charles Baudelaire publié dans les « tableaux parisiens » en particulier pour les sonorités du premier alexandrin:

« La rue assourdissante autour de moi hurlait »

 Si on étudie les sons-voyelles en imaginant un miroir au milieu du vers, on s’aperçoit qu’ils sont symétriques : [a] [y][a][u] de « la rue assour » renvoient une image inversée avec « tour de moi hurlait » [u][a][y][e].

Le narrateur est ainsi enfermé dans le bruit de la rue, sur fond d’allitérations dentales [t][d] et en [r]et [l]. On entend le vacarme de la rue, les roulements des charrettes ou des voitures hippomobiles.

Au milieu de cet enfer sonore affolant, voici comme une lame qui coupe tout ce bruit:

« Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse »

Le rythme fortement marqué par les virgules donne à voir les pas de la dame. Car il n’est plus question de sons mais d’images, comme si le son avait été coupé du fait de cette vision.

 L’amplitude augmente avec deux fois une syllabe puis trois puis sept, soulignant la majesté, annoncée par le terme « grand » et même par « deuil », qui incite au respect et au silence.

 On imagine aussi la rue bariolée autant de sons divers que de couleurs. Le deuil tranche avec tout cela, comme la lame de « longue ».

Et voici qu’au milieu du vacarme qui tout à coup n’existe plus pour le narrateur subjugué, le bruissement d’une étoffe prend une place étonnante. Ce son pourtant léger est rendu par les alliterations en [f] et [s] et l’assonnance [ã]:

Une femme passa, d’une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l’ourlet

 Et le rythme de la marche est toujours marqué par les groupes de souffle et par les répétitions de quasi synonymes : « soulevant, balançant «  et « le feston et l’ourlet ».

L’association du deuil et du désir renvoie au couple souvent célébré d’Eros et Thanatos, de l’amour et de la mort. Plus loin dans le poème, Baudelaire insistera sur l’ambivalence de l’association du plaisir et de la mort, de la fascination et du danger et des promesses ambiguës avec ces vers

« Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan

 La douceur qui fascine et le plaisir qui tue »

 Le thème de la femme que l’on croise et qui était peut-être celle que vous auriez passionnément aimée ne passe pas de mode et est repris en particulier dans le poème d’Antoine Pol « les passantes » chanté par Georges Brassens :

Je veux dédier ce poème

 A toutes les femmes qu’on aime

Pendant quelques instants secrets

A celles qu’on connaît à peine

Qu’un destin différent entraîne

Et qu’on ne retrouve jamais

et dans la célèbre chanson d’Edith Piaf « emportés par la foule…

Une réflexion sur « Baudelaire  » A une passante » »

  1. Bravo pour cette étude!
    Thème éternel chez les Poètes
    … enfin Hommes
    j’adore aussi lire de la Poésie écrite par les femmes
    Emily Dickinson, Andrée Chédid, Louise Labé …
    le/la Poète nous parle toujours
    puisqu’il nous parle de l’Intérieur
    (-:

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