La civilisation métallique


Nous vivons au milieu des métaux que nous avons aspiré hors des roches de notre planète. Nous respirons ou avalons des métaux lourds dès notre plus jeune âge, nous voyageons dans des oiseaux ou des coursiers d’aciers, nous habitons dans des constructions aux angles vifs. Les fenêtres en aluminium ou les escalators, les lampes, les ponts… où que nous portions le regard, les créations humaines sont anguleuses et brillantes. Où que nous posions la main, les matières usinées sont froides et dures au toucher. Nous vivons dans la démesure de toutes les dimensions: les hauteurs, les distances, les rythmes de vie. Tout n’est que façade lisse où rien ne pénètre. L’air même n’y est pas naturel, chauffé ou refroidi, nettoyé, modifié, transportant jusqu’à vos narines des parfums synthétiques ou des odeurs d’usines. Les lumières sont faussement colorées, violentes jusque dans le confort étudié qu’elles apportent non pas à une personne mais à un individu type, issu de moyennes et de savants calculs. Quelqu’un qui n’existe pas vraiment.

Parfois je me promène dans le passé, dans de vieux quartiers où une tour ronde vous salue au détour d’une ruelle, où l’herbe pousse entre les pavés, où l’armature des maisons est faite de vieilles poutres de bois. La terre, le grès, le végétal m’accompagnent lorsque je descends dans une cave voutée. Il y fait frais et sombre, c’est ainsi. Je vais m’adapter. Le sol n’est pas plat, chaque pas est une découverte, un risque que l’on prend peut-être. Ça s’appelle vivre, je crois. Je peux ressortir, poursuivre mon errance, je n’ai plus de montre. Le soleil indique plus de seize heures. J’appuie ma joue contre une pierre ocre qui a chauffé tout le jour. Elle me parle, elle est rugueuse et porte la trace des ans. Rien de net et d’aseptisé. Et parfois, ça fait du bien.

Gratin de Butternut façon Christian


Faites cuire la butternut épluchée et détaillée en gros cubes à la vapeur jusqu’à ce qu’ils soient tendres.

Les placer ensuite dans un plat à gratin, mélangés à 150 grammes de lardons, avec de la ciboulette et du persil frais.

Poivrez mais salez très peu à cause des lardons déjà salés.

Saupoudrez de noix de muscade râpée, de pignons de pins (ou cerneaux de noix) et versez 10cl de crème liquide.

Recouvrir de parmesan râpé.

Faire gratiner au four entre 15 à 20 mn à 200 degrés.

A déguster bien chaud.

Vents


Un partage d’un extrait de Vents, de Saint-John Perse, poète toujours difficile à expliquer mais qui fait grand effet sur mon âme. Ces vers éveilleront sans doute d’autres échos pour vous. Le recueil est paru en 1968 mais j’ai la faiblesse de les lire à l’aune de mon époque misérable, ce qui est peut-être les trahir mais est-ce un hasard si cette page s’est ouverte aujourd’hui sur « Eâ »?

Eâ est le dieu de la sagesse mais il est lié aussi aux eaux douces souterraines, il correspond plus précisément à une nappe phréatique de Mésopotamie. (Source Wikipédia). Son nom pourrait signifier en sumérien « maison de l’eau ». Il est souvent présenté comme celui qui trouve les solutions aux problèmes les plus graves, c’est dire s’il est le bienvenu en cette année 2022 où nous avons franchi la limite planétaire de l’eau verte.

Petite explication: l’eau verte est celle qui s’infiltre dans le sol et hydrate les plantes. L’eau dite « bleue », quelle que soit sa couleur, est celle qui court dans nos rivières. Les neuf limites planétaires sont les seuils à ne pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions de la vie sur Terre, parfois de manière irrémédiable et définitive. Nous en avons déjà dépassé six.

Mais revenons aux vers du poète:

« …Eâ, dieu de l’abîme, les tentations du doute seraient promptes

Où vient à défaillir le Vent…Mais la brûlure de l’âme est la plus forte,

Et contre les sollicitations du doute, les exactions de l’âme sur la chair

Nous tiennent hors d’haleine, et l’aile du Vent soit avec nous! »

Chez Saint-John Perse, le vent est perçu positivement, quand bien même il se mue en ouragan. Il fait bouger les lignes, il nous pousse à nous réinventer, à sortir de notre zone de confort en dépoussiérant les vieilles idées et les habitudes trop ancrées. Il nous donne des ailes ou en tous cas nous accompagne de son aile.

Le doute est le propre de l’humain, face à l’avenir, face aux nouvelles idées, face à ce que pourrait être sa vie. L’âme, au contraire, le pousse presque sauvagement (« brûlure », « exactions ») à avancer.

« Car au croisement des fiers attelages du malheur, pour tenir à son comble la plénitude de ce chant,

Ce n’est pas trop, Maître du chant, de tout ce bruit de l’âme-

Comme au grand jeu des timbres, entre le bol de bronze et les grands disques frémissants,

La teneur à son comble des grands essaims sauvages de l’amour.

Une envolée mystique dans ce passage sonore sur l’âme: on y retrouve des rites tibétains (les timbres, le bronze, les disques…), un Maître du chant comme un guide face au « bruit » inorganisé de l’âme. Cet aspect spirituel n’arrive pas au milieu du bonheur mais en plein doute, dans ce « croisement » où le malheur a rendez-vous, d’où qu’il vienne. Mais c’est peut-être dans le malheur qu’on peut se révéler, d’où cette fierté du mouvement (attelage) et cette force nécessaire (« ce n’est pas trop de ») pour atteindre la plénitude.

Il y a cependant de fausses pistes et le Maître semble les dénoncer dans un discours entre guillemets, un peu comme Anubis pesant les âmes:

« Je t’ai pesé, poète, et t’ai trouvé de peu de poids.

Je t’ai louée, grandeur, et tu n’as point d’assise qui

ne faille.

« L’odeur de forges mortes au matin empuantit les

antres du génie.

« Les dieux lisibles désertaient la cendre de nos jours.

Et l’amour sanglotait sur nos couches nocturnes.

« Ta main prompte, César, ne force au nid qu’une aile dérisoire.

Bon, au petit matin, il ne reste rien : des cendres, une aile dérisoire, des forges mortes, une odeur de mort même et l’amour qui sanglote. Tous ces efforts pour se hisser au niveau du génie ou d’un empereur (César) comme un forgeron dans le feu de l’action pour finalement s’apercevoir qu’on s’est fourvoyé. Il y a comme un côté « tâcheron » de l’être humain qui ne sait peut-être pas se laisser emporter avec plus d’innocence. Peut-être faut-il être jeune pour cela.

« Couronne-toi, jeunesse, d’une feuille plus aiguë!

On revient un peu à César et à la feuille de laurier, peut-être faut-il moins réfléchir et plutôt agir lorsque le moment est venu:

« Le vent frappe à ta porte comme un Maître de camp

Tiens, le Maître de chant a perdu un « h »! Le registre est plus guerrier.

« A ta porte timbrée du gantelet de fer.

Si l’on en croit ce qui suit, le gantelet de fer ne cache pas une main de velours:

« Et toi, douceur, qui va mourir, couvre-toi la face de ta toge

« Et du parfum terrestre de nos mains…« 

On se souvient que César s’était couvert la face de sa toge au moment de mourir. On emporte aussi le parfum de la terre et de nos mains qui l’ont travaillée.

Le Vent s’accroisse sur nos grèves et sur la terre calcinée des songes!

Apparemment, on n’aura pas la vie dont on avait rêvé, et le poète semble souhaiter plus de vent encore avec l’emploi du subjonctif. C’est apparemment un temps de grandes migrations mais en marchant dans l’espace, on avance aussi dans le Temps:

Les hommes en foule sont passés sur la route des hommes,

Allant où vont les hommes, à leurs tombes. Et c’est au bruit

Des hautes narrations du large, sur ce sillage encore de splendeurs vers l’Ouest, parmi la feuille noire et les glaives du soir…

Et moi j’ai dit: « N’ouvre pas ton lit à la tristesse. Les dieux s’assemblent sur les sources,

Et c’est murmure encore de prodiges parmi les hautes narrations du large.

Le conte se mêle au présent, tandis que le passé s’efface insensiblement. Nous allons parmi les glaives croyant encore fouler les splendeurs de l’occident mais il n’en reste qu’un sillage de navire. L’Ouest est le lieu où le soleil se couche mais aussi où dans la nuit l’aube déjà se prépare. Mourir pour renaître. Nous pourrions céder à la nostalgie du passé, à la crainte de l’avenir, à la peur du présent. Nous pourrions même porter le deuil de nos rêves. Pourtant, il y a là comme un moment exaltant à vivre : les sources parlent de vie et de renouveau et les dieux s’y assemblent. L’air du large nous appelle à nous élever, à trouver peut-être d’autres valeurs, moins matérielles. La parole est créative et on murmure des prodiges.

Le texte continue un peu puis se termine sur ces mots:

S’en aller! s’en aller! Parole de vivant.

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« Quand le sage montre la Lune, le sot regarde le doigt. »

Ce proverbe semble particulièrement d’actualité en ce moment, alors que médias et politiques glosent sur l’attitude plus ou moins calme ou énervée des « éco-terroristes. » Surtout ne pas parler du fond, ne pas s’intéresser à ce que montrent les écologistes ou ce qu’ils disent mais plutôt à leur apparence, leur coupe de cheveux par exemple.

Alors, qui veut les méga bassines et quels sont leurs avantages et inconvénients?

Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe des méga bassines naturelles, dénommées « nappes phréatiques », qui gardent l’eau en profondeur, sans évaporation, après l’avoir filtrée naturellement. Cette eau potable et de bonne qualité est gratuite et appartient à tous. Chaque végétal et animal sur Terre (je rappelle que les humains font partie des animaux) en a suffisamment pour se désaltérer, se laver et peut se nourrir et s’abriter avec les plantes qui ont elles aussi profité de cette eau. Précisément en Vendée, cette eau alimente et préserve le Marais Poitevin, zone humide d’importance capitale. Oui mais ça, c’était avant.

L’idée géniale de quelques grands groupes financiers est de continuer à cultiver de très grandes surfaces de plantes nécessitant beaucoup d’eau, en plein dérèglement climatique, pour aller les vendre au plus offrant, fût-il localisé de l’autre côté de la Terre. Ces produits agroalimentaires sont destinés à des animaux en batteries ou en usines à viande. Il faut pour cela puiser dans les nappes phréatiques plus d’eau qu’il n’en revient naturellement, ce qui signifie prendre la part des autres humains (petits agriculteurs, familles, particuliers…) plus celle des générations futures ( depuis quand les enfants ont-ils voix au chapitre ?), plus celle des plantes et animaux locaux ( qui heureusement sont muets).

Cerise sur le gâteau, on pourra aussi spéculer sur l’eau lorsqu’elle sera devenue une denrée rare, comme c’est déjà le cas en Australie.

Comme le niveau de l’eau baisse dans les nappes phréatiques, on peut artificialiser une vaste surface de sol en surface ( plusieurs terrains de football), pomper l’eau en grande profondeur puis l’étaler au soleil ( de 20 à 60% d’évaporation quand même!) et à la pollution (bonjour les bactéries et les microalgues) et ceci afin de l’utiliser ensuite plus facilement en toutes saisons.

Et si elle est trop polluée pour être utilisée, c’est encore mieux car on vendra des produits chimiques pour tuer le vivant qui s’est installé dedans. Il faut penser aussi aux emplois de l’industrie. Elle est pas belle la vie ?

Ce qui est ennuyeux, ce sont ces gens, ces gueux pourraient-on dire, qui ne sont pas d’accord avec l’idée géniale et rêvent tout éveillés d’une société où l’intérêt général primerait sur les intérêts privés de quelques-uns. Heureusement la police et la gendarmerie sont là pour protéger ces derniers.

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