Le Renard et la Cigogne – La Fontaine


Le renard et la cigogne
Le renard et la cigogne

La source de la fable se trouve chez Ésope – le Renard et la Grue.

La Fontaine utilise beaucoup les mots compère et commère dans ses fables. Ces mots n’ont plus le sens d’origine de parrain et marraine. Pour notre auteur, les compères et commères ne sont pas des amis, plutôt des connaissances qui se lient à l’occasion (le début du mot vient du latin « cum » qui signifie « avec »), parfois pour un mauvais coup. C’est ici une façon familière de les nommer : ce sont des gens comme vous et moi, ils n’ont pas de titre particulier mais sont bien connus «au village» pourrait-on dire. Aujourd’hui, on dirait peut-être «le père Renard», «la mère Cigogne».

Compère renard se mit un jour en frais

«se mit en frais» signifie décider d’offrir un bon repas. C’est «je t’invite à un bon resto». On voit que ce n’est pas une habitude avec «un jour» et l’emploi du passé simple qui est un temps employé pour une action isolée. On a compris que le renard est avare, il n’aime pas dépenser. La cigogne s’attendait à un repas gastronomique «régal» mais le renard a fait au minimum: «petit». Le travail et les efforts ne sont pas son point fort et «besogne» montre bien à quel point c’est pour lui fastidieux.

Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts

Le galant pour toute besogne avait un brouet clair

Le terme «galant» présente pourtant le renard comme faisant sa cour à la demoiselle mais c’est raté: les efforts se réduisent à préparer un genre de bouillon cube: «brouet», «clair» de surcroît, c‘est-à-dire qu‘il n‘a même pas mis de pâtes à potage.. C’est mal parti.!

Les rimes soulignent tout cela: « en frais» rimant de manière ironique avec «sans beaucoup d’apprêts» et «cigogne» renvoyant de manière disproportionnée à «besogne» : le renard n’a pas plaisir à faire des efforts pour la demoiselle.

Même ce bouillon n’est pas vraiment offert puisqu’il est servi de manière à ce que la cigogne ne puisse rien avaler. Imaginez que l’on vous invite à un repas aux chandelles se réduisant à quelques chips dont votre partenaire s’empiffre sans vous en offrir une. S’empiffre est le mot d’ailleurs puisque le renard se jette sur son bouillon et l’avale à toute vitesse. Quelle tenue!

Ce brouet fut servi par lui sur une assiette:

La cigogne au long bec n’en put attraper miette,

Et le drôle eut lapé le tout en un moment.

On a hâte de voir le goujat («le drôle» est un terme péjoratif) remis en place. Nos vœux vont se réaliser puisque La Fontaine annonce bien la couleur:

Pour se venger de cette tromperie

Mais la cigogne a de bonnes manières.

A quelque temps de là, la cigogne le prie.

«le prie» signifie «lui envoie une invitation».

 Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis

Je ne fais point cérémonie

Lui, c’est plutôt le genre «quand il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir».

Et pour un avare, un repas offert, c’est toujours une économie. Il n’y va pas, il y court.

A l’heure dite, le renard courut au logis

De la cigogne son hôtesse

En paroles qui ne coûtent rien, tout de même il n’est pas avare.

Loua très fort la politesse

La cigogne a bien fait les choses, elle est d’ailleurs présentée comme «hôtesse» : celle qui sait recevoir. Elle est fine cuisinière : de la bonne viande grillée dont les effluves chatouillent les narines de notre gourmand.

Trouva le dîner cuit à point

Bon appétit surtout; renards n’en manquent point.

Avec le pluriel «renards», l’anecdote s’élargit pour concerner tous les goujats dont celui-ci n’est que le modèle-type.

 Il se réjouissait à l’odeur de la viande

Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande

La préparation est travaillée : «mise en menus morceaux »

Les rimes plates «viande» et « friande » montrent l’idée fixe du renard: l’odeur lui tourne en boucle autour du nez.

 On servit, pour l’embarrasser

En un vase à long col et d’étroite embouchure

«pour» indique bien le but, et ce but est atteint.

La cigogne et le renard ne sont pas du même monde. Le sujet impersonnel de « on servit » s’oppose à « par lui » du repas offert par le renard. La cigogne  emploie du personnel pour le service.

La vaisselle est bien décrite, ainsi que l’anatomie des deux personnages, on pourrait dessiner l’image.

Le bec de la cigogne y pouvait bien passer;

Mais le museau du sire était d’autre mesure.

Voilà donc la conclusion, le renard a pris un râteau et ça nous fait tellement plaisir que la description dure trois vers avant la moralité qui lui est liée par les rimes.

Il lui fallut à jeun retourner au logis

Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris

Serrant la queue et portant bas l’oreille.

Trompeurs, c’est pour vous que j’écris

Attendez-vous à la pareille

 

Autres fables de La Fontaine étudiées sur ce blog :

La Mort et le Bûcheron – La Fontaine

Le Lièvre et la Tortue – Jean de La Fontaine

La Fontaine : la jeune veuve

Le renard et le bouc- fable de La Fontaine

5 réflexions sur « Le Renard et la Cigogne – La Fontaine »

  1. je dois faire un commentaire composé sur cette fable voici mon grand 1 et mes sous parties :

    Le portrait
    *descriptions du repas
    *descriptions et natures des personnages
    *point de vu omniscient

    1. Bonsoir,
      On peut aussi faire deux sous-parties : les caractères vus à travers les actions / la comparaison renard – Cigogne, mais il y a d’autres plans possibles. Vous pouvez aussi noter les idées que vous voulez écrire et les regrouper ensuite en sous-parties, c’est une autre technique.
      Bon travail !

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