Amphitryon et Sosie, un jeu de dupes

plat nommé Amphitryon dans un restautrant éponyme

L’art de recevoir est porté à l’excès avec la naissance et l’éducation d’Hercule. Brassens s’en moque dans une de ses chansons: le cocu content est resté dans les mémoires aussi pour le banquet qui a donné son nom à des restaurants gastronomiques dans le monde entier. Le personnage est le sujet de nombreuses pièces de théâtre depuis l’Antiquité avec le thème toujours d‘actualité des scènes de ménage.

On dépasse malgré tout l’habituel trio du mari, de la maîtresse et de l’amant puisque se rajoutent deux personnages: Mercure et Sosie. Autre originalité, le personnage d’Amphitryon qui donne son titre à la pièce apparaît moins que d’autres: une place importante est réservée à l’esclave Sosie et à Mercure.

Enfin le thème de la nuit d’amour qui se prolonge ne rejoint-il pas le rêve de tous les amoureux?

Amphitryon ne se résume pas à l’image qu’il a laissée à la postérité. C’est malgré tout quelque un de très serviable: il aide son oncle (le père d’Alcmène) à récupérer des troupeaux volés. Mais il n’a pas de chance: son bâton rebondit sur les cornes d’une vache furieuse qu’il voulait maîtriser et revient frapper mortellement son oncle. Il s’enfuit avec Alcmène et heureusement, à Thèbes, le roi Créon le purifie de son crime. Il mourra bien des années plus tard en combattant aux côtés de son fils adoptif Heraclès dans le camp des habitants de Thèbes en lutte contre une ville voisine.

Alcmène est une très belle princesse, fille du roi de Mycènes. Elle est la nièce d’Amphitryon, roi de Tirynthe qu’elle épouse cependant. Elle est très éprise de son royal époux et lui est très fidèle. C’est justement cet amour humain qui tente Zeus car c’est un sentiment qui lui est étranger. Il sait qu’il ne pourra vivre cet amour qu’en prenant l’apparence d’Amphitryon. De cette union naîtra Heraclès ou Hercule.

Amphitryon accepte d’ élever Hercule avec son autre fils: Iphiclès. Il « teste » la nature divine de l’enfant en envoyant deux serpents dans la chambre des enfants, alors âgés de dix mois. Il fallait avoir l’idée d’un test pareil! Mais alors que son fils se montre très apeuré, Hercule tue les serpents sans problème en les étouffant dans ses petits poings serrés.

Il n’est certes pas toujours facile d’éduquer les enfants des autres mais le paroxysme est atteint avec Hercule. Il est très violent dès qu‘on le contrarie et tue son professeur de musique. Rien à voir avec les sages élèves d’aujourd’hui donc. Amphitryon craignant de subir le même sort s’il venait à contrarier lui-même cet enfant décide alors de le « mettre au vert » comme on dirait maintenant en le plaçant à la campagne pour garder des bœufs. Hercule en profite pour tuer un lion qui menaçait le troupeau.

Le nom de Sosie est resté comme nom commun dans le langage courant. Sosie était l’esclave d’Amphitrion, chargé d’annoncer sa venue à la reine Alcmène. Il se trouvera en face d’un autre lui-même: Mercure, qui a pris son apparence, et il ne saura pas facilement convaincre Amphitryon de son innocence, ne comprenant pas lui-même ce qui s’est passé et comment il a pu se dédoubler.

Mercure est le messager des dieux. Il aide Zeus/Jupiter à berner Alcmène en prenant l’apparence du valet Sosie pour lui annoncer le retour de son mari. Dans la pièce de Plaute, il prononce le long monologue constituant le prologue. Comme il est également le patron des médecin, il annonce qu’il ne guérira pas ceux qui n’écouteront pas attentivement la pièce. C’est une motivation qui en vaut une autre, certainement mais qui est fort heureusement peu en usage aujourd’hui.

La pièce d’Amphitryon chez Plaute créée en 187 avant Jésus-Christ nous est parvenue incomplète. Sosie et Mercure y tiennent une part importante.

On ne peut parler d’Alcmène et de Jupiter sans parler de cette superbe nuit dont le roi des dieux a demandé la prolongation. Elle aurait duré 72 heures! Comment ne pas penser à la chanson de Johnny Halliday « retiens la nuit ».

Zeus souhaite une réconciliation autour d’un grand banquet. Ce banquet est célèbre pour l’ouverture d’esprit pour ne pas dire la complaisance qu’il dénote chez son hôte. Héberger chez soi à grands frais l’amant de sa femme et ceux qui ont participé au complot n’est pas courant.

Comme souvent dans les comédies de Molière, le sujet est prétexte à de savoureuses empoignades entre époux et à de nombreux quiproquo. Il est vrai que le résultat n’est pas garanti quand on annonce à son mari qu’on l’a trompé sans le vouloir en le confondant avec un autre.

Jean Giraudoux appela sa pièce Amphitryon 38 parce qu’elle était à son avis la 38ème version de la légende. Elle fut crée en 1929 avec une mise en scène de Louis Jouvet. Tout l’intérêt de cette pièce réside dans la qualité du vocabulaire et des doubles sens typiques des textes de Giraudoux.

Amphitryon vu par Brassens « cocu tant qu’on voudra mais pas Amphitryon » chantait la célèbre vedette. L’infidélité fait partie des thèmes favoris du chanteur poète et ses allusions à la mythologie sont fréquentes.