Ondine / Jean Giraudoux


Lieu de la rencontre de Hans et d'Ondine, pourquoi pas ?
Lieu de la rencontre de Hans et d'Ondine, pourquoi pas ?

Né à Bellac en 1882 et décédé le 31 janvier 1944, Jean Giraudoux nous a laissé des pièces de théâtre remplies d’humour, de poésie, de profondeur et qui n’ont pas pris une ride.

Parmi celles-ci, mes préférées sont La Guerre de Troie n’aura pas lieu et surtout Ondine, pièce en trois actes de 1939, écrite d’après un conte de Frédéric de la Motte Fouqué.

Ondine est un peu le Candide de Voltaire : elle observe le monde des hommes et tente de s’adapter.

Dès la première scène, la nature étrange et magique d’Ondine est révélée :

la pluie ne la mouille pas !

et plus loin, la vieille Eugénie, sa mère adoptive,  ajoute :

J’ai essayé juste une fois tout ce qu’elle fait mille fois par jour, sauter les gouffres, recevoir les cascades dans un bol…

Ondine est donc la fantaisie même, en symbiose avec la nature et surtout l’eau bien sûr. Elle applique ses pouvoirs magiques au quotidien, comme le montre son utilisation du bol, ustensile de cuisine on ne peut plus utilitaire et dépourvu de la moindre poésie.

Y a-t-il eu un jour, depuis quinze ans, où elle ait fait ce qu’on attendait ?

Evidemment, Ondine va tomber amoureuse de son véritable opposé : un chevalier, aussi lourd dans son armure qu’elle est légère, aussi dépourvu d’imagination qu’elle est inventive. Son ennemi est l’eau :

C’ est ce que nous craignons le plus en armure, nous autres, chevaliers… La pluie…La pluie et une puce.

A table, le soir,  il est question de Bertha, la fiancée du chevalier, et là, Ondine n’est pas contente du tout alors que le chevalier baisse le nez dans son assiette :

Tiens, il sort de son jambon, celui-là ! Y a-t-il une Bertha, oui ou non ?

Mais Hans veut épouser Ondine :

Il était un chevalier qui cherchait dans ce monde ce qui n’est pas usé, quotidien, éculé

Mais un chevalier, même s’il fait serment de fidélité, n’est fidèle qu’à l’aventure, précise le beau Hans. Or le peuple des Ondins ne connait pas le mot « tromper », ils ne savent dire que la vérité, quelles que soient les circonstances.

Et comment alors peuvent-ils savoir que Hans peut te tromper ?

Ils l’ont su tout d’un coup. En le voyant.Jamais il n’avait été chez eux question de tromperie. Jamais avant la venue de Hans. Mais ils ont aperçu un bel homme à cheval, la loyauté sur son visage, la sincérité dans la bouche, et alors le mot tromper a couru jusqu’au fond des ondes.

Et le destin est là : Bertha convient à Hans mieux que la petite Ondine, qui ne laisse aucune trace et aucun souvenir de son passage. Bertha l’explique ainsi à Hans :

tu as vu mes deux pas dans la neige. Ils étaient larges, profonds. Ils avaient marqué toute ma fatigue, ma détresse, mon amour.

Ondine avait parié sur un amour inhumain, sans tromperie aucune. Lorsque Hans retrouve Bertha, il devra mourir et Ondine sera condamnée par les Ondins à pire que la mort, à la perte de la mémoire de Hans. Mais elle s’est préparée :

C’est que j’avais prévu le jour où il me faudrait, sans mémoire, redescendre au fond des eaux

Ainsi, séparés par l’oubli, la mort, les âges, les races, nous nous entendrons bien, nous nous serons fidèles.

Dans toutes les histoires, pour que l’amour reste pur, il faut qu’il meure : Eros et Thanatos sont liés encore une fois. Etre heureux et avoir beaucoup d’enfants, comme dans les contes de fées, c’est risquer d’user le charme du premier baiser à la lassitude du quotidien.

Je laisse le mot de la fin à la petite Ondine de quinze ans :

J’ai dit : « nous nous rappellerons cette heure-là, plus tard…C’est l’heure où vous ne m’aurez pas embrassée »

Une réflexion sur « Ondine / Jean Giraudoux »

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