
L’amour peut apporter bien des tourments mais l’amour exclusif de soi-même est une impasse.
Les parents de Narcisse, qui sont d’après Ovide le dieu du Céphise et la nymphe Liriopé, vont interroger le devin Tirésias. Celui-ci leur annonce que l’enfant vivrait vieux à condition de ne jamais se regarder. On enlève tous les miroirs autour de l’enfant et tout se passe bien, enfin presque…
En grandissant, Narcisse devient un beau jeune homme très courtisé mais lui ne tombe jamais amoureux. C’est peut-être lui le plus à plaindre pour cette infirmité mais les nymphes et autres jeunes personnes éconduites ne l’entendent pas ainsi et vont exposer aux dieux la souffrance qu’il leur inflige.
Il faut dire qu’il va jusqu’à se moquer de la douleur qu’il cause et par exemple envoie une épée à un jeune homme qui accepte le «cadeau» et se suicide devant sa porte.
Autre victime, la nymphe Echo qui en perdit l’appétit et s’amenuisa tant qu’il n’en resta qu’un filet de voix.
Némésis, déesse de la vengeance, entendit toutes ces plaintes et décida de le punir. Un jour d’été, en revenant de la chasse, il se penche sur une source d’eau limpide et voit son visage. Il en tombe aussitôt amoureux et se penche jusqu’à se noyer dans son propre reflet.
A cet endroit fleurit alors le premier narcisse, cette fleur qui aime se pencher sur l’eau.
Jean-Claude Carrière donne une suite amusante à l’histoire dans ses Contes philosophiques du monde entier : l’eau de la source sur laquelle Narcisse aimait tant se pencher est inconsolable. La lune lui explique alors que Narcisse ne l’aimait pas elle mais qu’il n’aimait que lui-même. Mais, répond alors l’eau, moi j’aimais tant voir mon propre reflet dans ses yeux…
Narcisse qualifie toujours aujourd’hui une forme de perversion : les pervers narcissiques n’aiment qu’eux-mêmes. Pour eux, les autres n’existent que comme objets d’amusement : aucune compassion pour leur souffrance, donc, mais un certain plaisir à en jouer comme un chat avec une souris. Comme Narcisse, les pervers narcissiques sont des personnes séduisantes, pas forcément physiquement mais aussi par leur humour ou leur charisme.
Je vous souhaite de ne jamais en rencontrer sur votre route mais continuez à cueillir les narcisses pour en faire de jolis bouquets, que chacun admirera.
Une réflexion sur « Narcisse »