Cléopâtre ou le rêve évanoui


Cléopatre-VII-Altes-Museum-Berlin
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Cléopâtre ou le Rêve Evanoui est un roman biographique et historique fort bien documenté qui fait partie d’une série de Bénoist-Méchin : Le Rêve le plus long de l’Histoire.

 Ce rêve est celui d’unir l’Orient et l’Occident en un seul et vaste empire. On trouvera dans cette série Alexandre le Grand, Frédéric de Hohenstaufen, Lawrence d’Arabie, Lyautey, Bonaparte et l’empereur Julien. Assortis de documents clairs, de cartes, de tableaux généalogiques, d’index conséquents, ces romans au souffle épique font revivre des moments extraordinaires et des personnages absolument hors du commun.

Parmi tous ces êtres avec leur grandeur et leurs petitesses, la célèbre reine d’Egypte est ma préférée.

En septembre 48, Cléopâtre VII est en guerre avec son demi-frère et époux Ptolémée XIV. Ptolémée est un adolescent qui est loin d’avoir l’intelligence, la finesse et le sens politique de sa sœur Cléopâtre, qui est née en 69 avant Jésus-Christ et a sept ans de plus que lui. Il fait assassiner Pompée, pensant plaire à César et lui faire quitter l’Égypte au plus vite. Mais comme César donne malgré tout l’ordre à ses troupes de descendre à terre et entend arbitrer entre les deux époux, Ptolémée pense qu’une fois Cléopâtre morte, César n’aura plus aucune raison de s‘attarder. Il n’est pas à un assassinat près.

Maintenant, Ptolémée et Potheinos n’attendent plus que la venue de l’officier qui leur apportera l’heureuse nouvelle : Cléopâtre arrêtée au bord d’un chemin, étranglée sans bruit, et son corps lentement englouti par la vase d’un marécage…

Mais Cléopâtre va jouer le tout pour le tout : elle fait porter à César un tapis de voyage, transporté enroulé sur les épaules d’un costaud de sa suite : Apollodore le Sicilien. Celui-ci est introduit auprès de César et demande à rester seul avec lui pour lui délivrer un message. En fait, le message est dans le tapis : il s’agit de la jeune reine d’Egypte. C’est le coup de foudre pour César, amusé par le stratagème et ébloui par la beauté de la jeune femme.

César a conquis l’Espagne, la Gaule, La Germanie, la Macédoine. Il s’est rallié l’Asie Mineure et s’apprête à conquérir l’Egypte.

Mais Cléopâtre, par cette seule ruse, a déjà conquis César.

 Ce sera une belle histoire d’amour entre la jeune reine et l’imperator, déjà âgé, une histoire de complicité amoureuse et d’admiration réciproque. Ces deux-là ont beaucoup en commun. De leur union naîtra Césarion, qui mourra très jeune, assassiné sur l‘ordre d‘Octave, aidé il faut le dire par Rhodon, tuteur du jeune homme, à qui Césarion fit confiance une fois de trop. Il m’arrive de penser que cet enfant aurait pu devenir un homme d’intelligence supérieure, un pacifiste peut-être dont le monde avait bien besoin et qui était le symbole même d‘une union entre l‘Orient et l‘Occident. Rhodon expliquera sa complicité dans ce crime en disant: «Deux Césars à la fois, c’eût été trop pour le monde…»

Mais il ne s’agit pas de réécrire l’histoire mais de la raconter.

 Cléopâtre pourtant précipitera la chute de César, déjà en mauvaise posture à Rome, le peuple romain désapprouvant fortement cette union.

A la mort de César, aux Ides de mars 52 avant J-C, Cléopâtre repart pour Alexandrie. Un autre amour l’attend, une véritable passion cette fois avec le bel Antoine. J’aime bien cependant le parallèle entre les deux : Antoine cherche à éblouir la jeune reine par du «bling-bling» dirait-on aujourd’hui : une fête fastueuse. La réponse de Cléopâtre est cinglante et fine : elle fait dissoudre dans du vinaigre une seule perle qui valait plusieurs fois les dépenses d’Antoine. C’est clair, on ne l’éblouit pas facilement et surtout pas avec de l’argent. Elle a d’autres valeurs.

Le luxe de ses réceptions fait rêver malgré tout: elle offre à ses convives la vaisselle d’or incrustée de pierres précieuses dans laquelle ils ont été servis par exemple, ainsi que des litières et des esclaves pour les accompagner.

Antoine n’a pas les capacités et la finesse politique pour résister à Cléopâtre: elle en fait ce qu’elle veut.

A l’aube, lorsque Cléopâtre prend congé de ses invités, Antoine titube légèrement et ne sait plus très bien où il a passé la nuit : sur terre ou sur l’Olympe.

Les triumvirs qui succèdent à César sont les proches de l‘Imperator assassiné: Le jeune Octave est son fils adoptif, Antoine et Lépide étaient ses lieutenants. Lépide est insignifiant, vieilli, usé, «il quittera bientôt le scène sans avoir fait parler de lui». Antoine est le plus apprécié, sa gloire ne fait que grandir.

Le portrait d’Octave, «le plus froid de tous les monstres froid» ne le place pas d’emblée au rang des héros:

Souffrant d’hypothermie, il vit emmitouflé dans des lainages d’une propreté douteuse. Son teint blafard, ses paupières enflammées par une blépharite chronique et son visage couvert de boutons lui donnent un aspect malsain. Il n’a ni  résistance physique, ni courage, ni rayonnement. Un léger bégaiement lui interdit toute éloquence. Quant à son caractère, le moins que l’on puisse dire est qu’il est sournois et dissimulé.

En arrivant à Alexandrie, César avait rencontré en Cléopâtre une jeune fille géniale, espiègle et rieuse; Antoine une reine mûrie par l’expérience et parvenue au faîte de sa beauté. Mais pour Octave, qui n’a que trente-trois ans, elle est une femme vieillissante aux charmes flétris, pour laquelle il n’éprouve que répulsion et dédain.

Lorsqu’il règnera en tant qu’Auguste, Cléopâtre choisira de ne pas connaître la honte d’être traînée enchaînée dans son triomphe, en proie aux crachats et quolibets de la foule.

Elle ordonne à ses suivantes de lui procurer un aspic […]dissimulé dans un panier de figues. […] Elle le pose contre son sein et s’endort à jamais.

 Un tel destin fascine toujours et au fil des siècles tableaux ou plus récemment bandes dessinées et films rendent hommage à une des reines les plus célèbres du monde.

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