Armstrong je ne suis pas noir – Claude Nougaro


Photo

Sortie en 1967, cette chanson est toujours très appréciée aujourd’hui et malheureusement encore d’actualité, même en France. Reprenant le célèbre gospel « Go down Moses » avec des arrangements de Maurice Wander, Claude Nougaro n’a pas traduit les paroles mais a complètement renouvelé le texte dans sa version française pour faire passer son message contre le racisme.

Plus encore qu’un hommage appuyé au célèbre trompettiste de jazz Louis Armstrong auquel il s’adresse, le texte apparait comme un regret de l’artiste de ne pouvoir atteindre le niveau d’expression de sentiments du gospel, comme s’il fallait faire partie de ce peuple en souffrance pour en être capable. Cependant, l’intérêt du texte réside aussi dans les jeux de mots traduisant une ambiguïté  plus profonde qu’il n’y parait au premier abord.

Armstrong, je ne suis pas noir
Je suis blanc de peau

Etre « blanc » ou « blanc de peau » n’est pas la même chose. D’un côté, il s’agit de la revendication à une appartenance raciale (chère aux racistes), de l’autre, et c’est le choix de l’artiste, il s’agit seulement de la teinte d’une enveloppe extérieure. Malgré tout, cette teinte blanche n’est pas sans conséquence :

Quand on veut chanter l´espoir
Quel manque de pot

Avec humour, le jeu de mots à la rime peau/pot (dans le sens de chance) annonce ce qui sera développé par la suite. D’abord le fait du hasard qui nous fait naître blanc ou noir ou autre. Ensuite, le gospel, comme la religion à laquelle il est intimement lié, est un chant d’espérance. Qui de plus sensible à ce chant que les plus malheureux, que les esclaves, qui ne peuvent espérer être heureux qu’après leur mort ? Claude Nougaro annonce son athéisme avec une tristesse teintée d’humour :

Oui, j´ai beau voir le ciel, l´oiseau
Rien rien rien ne luit là-haut
Les anges… zéro

Et il met avec humour ce manque de foi sur sa couleur de peau qui l’empêcherait de voir plus loin que les apparences :

Je suis blanc de peau

Armstrong était connu pour sa sympathie et son charisme,son sourire éclatant. Claude Nougaro est plutôt du genre pessimiste.

Armstrong, tu te fends la poire
On voit toutes tes dents
Moi, je broie plutôt du noir
Du noir en dedans

Armstrong avec ses dents, apparaît blanc à l’intérieur du corps, Nougaro, lui est noir dans ses idées. Quelle belle image pour souligner à quel point les apparences peuvent être trompeuses et surtout sans intérêt.

Chante pour moi, Louis, oh oui
Chante chante chante, ça tient chaud
J´ai froid, oh moi
Qui suis blanc de peau

Nouvelle opposition : le chaud, le froid. La chaleur humaine communicative et le froid de la solitude. L’appel de Nougaro est presque un appel à prier pour lui. Mais quittons le ciel et l’espoir d’un au-delà pour une vue « terre à terre », presque organique, du monde et de la vie. Et là, que de souffrance et de violence !

Armstrong, la vie, quelle histoire?
C´est pas très marrant
Qu´on l´écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc

Le blanc sur noir de la craie sur le tableau d’école ou le noir sur blanc de la feuille de l’écrivain sont un peu « bonnet blanc et blanc bonnet ». Les différences sont renvoyées dos à dos :

On voit surtout du rouge, du rouge

Après avoir observé les différences de peau ou de mentalité, le rouge est ce qui unit l’espèce humaine : le même sang et cette souffrance qui sont le lot commun des mortels. Ce sang versé ou ce temps de vie volé pour les individus : sang /sans. « Ma foi » annonce une sorte de sagesse populaire, un simple constat, mais rappelle aussi la foi chrétienne.

Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu´on soit, ma foi
Noir ou blanc de peau

Après une vie difficile vient la mort. Nougaro ne s’est pas annoncé pessimiste pour rien !

Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n´est que des os

Et comme le souligne souvent la sagesse populaire, nous serons tous égaux dans la mort. Et lorsque ce qui nous recouvre :  la peau / les oripeaux,  aura disparu, nous serons dans l’ « au-delà » et « au-delà » des apparences aussi; blancs et noirs, riches et pauvres seront semblables.  L’emploi du terme « Oripeaux » souligne encore une fois le peu de valeur des apparences.

Est-ce que les tiens seront noirs.
Ce serait rigolo
Allez Louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux

Claude Nougaro concède enfin à Louis Armstrong une victoire de l’optimisme par un habile jeu de sonorités: Allez Louis est suivi de Alléluia. Cet Alleluia qui marque l’entrée dans le Royaume des cieux est presque un « Eureka » : toute vérité enfin révélée. Alléluia signifie »Gloire à Dieu » et Gloire à Dieu en effet qui nous a fait tous frères, nés de la même eau originelle :

Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d´eau

Merci Claude et Louis, vous êtes deux gouttes d’eau d’essence divine. Merci pour la chaleur, l’espoir, le doute et l’humanité partagés !

8 réflexions sur « Armstrong je ne suis pas noir – Claude Nougaro »

  1. Je suis au collège et on me demande d’analyses les chanson de claude nougaro et je ne sais pas comment faire pouvez vous m’aider

Laisser un commentaire