
Chanson traditionnelle du XVIIIème siècle, « Aux marches du Palais » a connu un succès considérable et est toujours reprise à l’heure actuelle. La raison de cette longévité réside dans le thème bien sûr : l’amour mais aussi dans les double-sens érotiques.
La mélodie reprise à plusieurs voix est un peu traînante , comme il était de coutume autrefois, mais très plaisante.
Près des marches du palais, on ne trouve pas de princesse (elles sont à l’intérieur du palais) mais une fille du peuple, cependant celle-ci est si jolie que sa beauté en fait presque une reine, une reine de beauté élue par le peuple, pourquoi pas.
Aux marches du palais
Y’a une tant belle fille
Évidemment, cette jeune fille est très courtisée et l’heureux élu sera celui qui aura le pouvoir des mots. L’amour a toujours un côté un peu rebelle, un peu révolutionnaire même (c’est l’époque!). En effet, il fait fi de la richesse, de la « naissance » et chacun des prétendants semble « libre et égal en droit », seul son mérite et ses qualités pourront lui permettre de gagner.
Elle a tant d’amoureux
Qu’elle ne sait lequel prendre
L’heureux élu est issu du peuple, il est « petit » au sens social du terme
C’est un p’tit cordonnier
Qu’a eu la préférence
mais cet humble métier le place d’emblée aux pieds de la belle, ce qui est une très bonne place pour lui faire des confidences tout en prenant possession d’une partie du corps : »le pied », qui est un symbole sexuel et souvent d’ailleurs source de fantasmes.
On avait parlé d’érotisme! Et bien voilà, la chaussure dans laquelle on introduit le pied renvoie à un autre « étui », le vagin, dans lequel on introduira un autre membre du corps, le pénis. Et c’est valable aussi pour les contes de fées comme Cendrillon.
Et c’est en la chaussant,
Qu’il fit sa confidence
Nous arrivons dans le vif du sujet : le lit
La belle, si tu voulais,
Nous dormirions ensemble
Le lit présenté fait rêver car à l’époque, les lits étaient étroits et courts. Celui-ci, immense, promet des merveilles de galipettes.
Dans un grand lit carré,
Orné de taies blanches
La blancheur des taies, tout de même, rappelle la virginité de la jeune fille, de même que la pervenche, fleur timide et réservée. Cependant, les pommes d Orange suggèrent le fruit défendu, avec des améliorations exotiques. Ce cordonnier promet beaucoup.
Aux quatre coins du lit,
Un bouquet de pervenche (variante plus coquine : quatre pommes d’Orange).
Au milieu du lit, là ou les amants se retrouvent, la rivière est profonde. L’image nous suggère bien l’érotisme du sexe féminin inondé de plaisir.
Dans le mitant du lit,
La rivière est profonde
Quand au cheval, c’est un symbole connu de sexe masculin (si vous rêvez souvent de chevaux, vous saurez à quoi vous en tenir…) Promesse de plaisir royal et somptueux donc avec le pluriel intensif : « tous » et l’intensité suggérée par « ensemble » : un condensé de Kamasutra en quelque sorte. Oui, vraiment, moi aussi, j’aurais choisi ce cordonnier…
Tous les chevaux du roi
Pourraient y boire ensemble
Mieux encore, il n’y aura pas de lassitude et amour rimera avec toujours :
La belle, si tu voulais,
Nous dormirions ensemble
Et nous serions heureux
Jusqu’à la fin du monde.
On remarquera tout de même que comme de nos jours en politique, celui qui nous baisera est aussi celui qui aura su faire les plus belles promesses…qui n’engagent que celles ou ceux qui les écoutent.
J’ai entendu l’explication :
Aux marches (région frontalière comme les marches de Bretagne) du Pallet, village de la région nantaise où se trouve toujours une ruine de donjon, où est né Abélard.
Le Pallet, nom venant du latin palatium, est un village qui se trouve historiquement en limite de territoire breton.
Merci beaucoup pour ce complément d’information. J’adore la richesse du partage des savoirs!
Oui, tout a fait d’accord dans votre analyse, la belle. Et j’ajouterai au double sens du lit et du sexe féminin, une théorie d’un médecin, qui parle d’un liquide que la femme peut libérer lors de l’orgasme féminin, ou des moments de plaisir. J’ai écouté et j’étais surpris. Il se peut que l’allusion de « la rivière est profonde » ( et l’eau abondant) fasse allusion a cet émission, tout cela va dans le même sens dont vous parlez. Intéressant qui soit dit au XVIII siècle. Et nous, on n’en connaît pas. Merci.
« Aux marches du palais » n’est pas un escalier mais une région frontalière sur le pourtour du royaume de France dite « une marche » et confiée à « un marquis » chargé de la défendre militairement.
Merci pour cette hypothèse. Je connais ce sens de Marches mais je comprends moins l expression avec le complément palais. Je verrais plutôt le palais des Marches. C est vrai qu’ il peut s agir d une tournure locale.
Le mot « palais » ici ne désigne pas un château mais prend sens avec son origine italienne « palazzo » qui désigne un lieu de commerce. Donc, « aux marches du palais » est une expression qui désigne aux marches des commerces (des marchands, des boutiques)
Bien vu