L’envie dans les Métamorphoses d’Ovide


La maison de l’Envie ne fait pas envie, d’après la description d’Ovide:

Son séjour est caché au fond d’une vallée; on n’y voit jamais le soleil; aucun vent ne la traverse; la tristesse, le froid engourdissant y règnent.

l'Envie
l'Envie

L’hôtesse n’est guère appétissante non plus

À l’intérieur, dévorant des chairs de vipères dont elle nourrit ses vices, l’Envie.

Des «traits grimaçants», un visage blême, un corps décharné, un regard torve, des dents entartrées, un décolleté «verdi par la bile», «sa langue baigne dans le poison».

Elle ne sourit qu’à la vue des malheurs des autres. Entrant dans une belle cité fleurie, « elle retient avec peine ses larmes car elle ne voit rien qui incite aux larmes. »

Elle manque de sommeil car son esprit est agité par toutes sortes de soucis.

Elle est paresseuse, sinon, elle agirait au lieu de se morfondre :

L’Envie se dresse paresseusement […] et s’avance d’un pas nonchalant.

 En fait, les pensées envieuses l’obsèdent et engourdissent son cerveau, l’empêchant d’être lucide et d’agir pour obtenir ce qu’elle semble souhaiter si fortement (cf le froid « engourdissant » de sa demeure). L’envie n’est pas un moteur, contrairement au désir.

On n’en ferait pas une amie et pourtant elle est à plaindre car elle porte en elle son supplice: Ovide écrit fort justement qu’en « déchirant les autres, elle se déchire elle-même. »

 La voici partie infecter une jeune femme cupide : Aglauros, qui deviendra jalouse du bonheur de sa soeur.  Le trajet est déjà tout un programme:

Elle prend son bâton garni de haut en bas de lanières hérissées de pointes et, à l’abri d’une noire nuée, partout sur son passage, elle écrase sous ses pieds les fleurs dans les champs, fane les herbes et abat les têtes qui se dressent. Son souffle souille les peuples, les villes, les maisons.

 L’Envie prend aussi la forme du Léviathan, c’est dire si elle devrait faire peur et inciter les personnes « infectées » à effectuer un dur travail sur elles-mêmes pour se « désensibiliser » à la vue du bonheur d’autrui.

D’ailleurs, les personnes envieuses n’échangeraient pas la totalité de leur lot avec celui ou celle qu’elles envient.  A Colette adolescente qui réclamait à sa mère une jolie jupe comme celle d’une de ses camarades de classe, sa mère répondit fort sagement que si elle souhaitait la jupe, il lui faudrait prendre aussi la lettre d’amoureux dans la poche puis ensuite le chagrin d’amour et, (à l’époque) le déshonneur d’avoir été séduite et abandonnée avec un enfant à élever seule.

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