La dernière nuit de Marie Stuart, reine d’Ecosse


 
Marie Stuart
Marie Stuart

Didier Decoin, Prix Goncourt pour son roman John l’Enfer, cisèle ici une nouvelle émouvante à partir de faits historiques.

Nous sommes le 7 février 1587. Quelles peuvent être les pensées d’une femme qui sait qu’elle va mourir le lendemain? L’auteur imagine : la peur se mêle aux souvenirs, le vol d’un oiseau prend toute sa valeur mais elle se sent déjà seule parmi les vivants.  Alors que l’heure présente continue d’avancer inéluctablement, la mémoire repasse petits et grands événements de la vie et s’arrête sur certains tableaux, des scènes qu’un peintre pourrait fixer sur la toile.

Le cincle plongeur

L’auteur commence par raconter la vie d’un oiseau qui vit dans les douves du château de Fotheringay. Son existence et celle de l’ex reine d’Ecosse vont se croiser par hasard . Une vie en vaut une autre, celle d’une reine comme celle d’un vieil oiseau est emplie de souvenirs de jeunesse, lorsqu’on mordait dans l’existence à belles dents. Ce jour de février, ils sont tous deux au soir de leur vie mais «la mémoire de l’oiseau le plus fragile ira plus loin dans l’espace et plus avant dans le temps que ma mémoire à moi» remarque la reine.

Se souvient-elle de la première fois qu’elle goûta à la marmelade d’orange, proposée par son cuisinier français ?

C’est une vieille femme qui sera décapitée à la hache demain, même si elle n‘a que 44 ans. Elle a beaucoup vécu. Sa perruque cache son crâne dégarni, ses dents sont tombées une à une au fil des ans.

Pourtant, la part d’enfance est là tout de même: dans le plaisir de goûter un biscuit comme dans certaines idées déraisonnables qui traversent l’esprit. Elle aime toujours la vie: les odeurs, les saveurs, les sons, l’esthétique d’un tableau. Elle a gardé intacte cette qualité d’âme de savourer chaque instant. C’est aussi une petite fille qu’on va tuer demain.

 Elle a été éduquée en France et profite d’une enfance heureuse à la cour d’Henri II. Elle partage sa chambre avec Elisabeth de Valois, future femme de Philippe II d’Espagne, qui mourra en couches à l’âge de 23 ans.

Elle joue de divers instruments comme la harpe. Elle deviendra une jeune fille d’une grande culture, également très bonne danseuse et dont la compagnie était recherchée. Le poète Ronsard se montre particulièrement élogieux à son égard.

Marie était reine d’Écosse à l‘âge de six jours et reine de France à 17 ans. Sa cousine, future Elisabeth Ière, et elle ont parfois joué enfants avant qu’elles ne se fassent la guerre et qu‘Elisabeth ne fasse condamner Marie pour traîtrise. Il faut dire que depuis sa prison, Marie continuait d’ourdir des complots.  Quel est le terrible jeu auquel elles jouent à présent?

Une sorte de Casanova

Elle se souvient de James Hepburn, comte de Bothwell, rude écossais sans pitié, cavalier qui l’emportait pour des courses folles sur la lande, poursuivis par des cavaliers anglais. Elle l’épousera en 1567, en troisièmes noces, après avoir été l’épouse de François II en 1558 qui mourra à l’âge de 17 ans et d’Henri Stuart en 1565. Ce dernier est mort dans un attentat fomenté par le comte de Bothwell. Elle épouse donc le meurtrier de son mari, même si les preuves n’ont pu être clairement avancées.

Le mariage avec Bothwell, sorte de Casanova insupportable, coûta son trône à Marie.. Chassée par ses propres sujets, elle se place alors sous la protection de sa rivale Elisabeth I. Son fils lui succède sur le trône écossais.

Les deux femmes n’ont pas grand-chose en commun. Elisabeth n’a jamais été belle, elle n’a pas aimé l’amour et peut-être même pas la vie.

Son fils succèdera aussi à Elisabeth I sous le nom de Jacques I. Il sera le premier des Stuarts à porter la couronne d’Angleterre. Bien lui en a pris de se détacher ouvertement de sa mère…

L’exécution

Dans sa conséquente garde-robe, au milieu des dentelles, des velours, des taffetas et des brocards damassés, elle a choisi une robe rouge, pour que le sang ne se voit pas trop. Elle a caché contre elle son petit chien pour se donner du courage. On verra ensuite le cadavre sans tête s’agiter étrangement.

Le bourreau s’y reprendra à trois fois et la reine gémira «oh, vous me faites très mal!».

Un homme a voulu saisir la tête par les cheveux pour la montrer aux lords assemblés mais il n’a eu que la perruque pendant que la tête roulait sur le sol. Ainsi finit Marie Stuart.

Son destin exceptionnel suscite films et romans. Rappelons pour mémoire

Mary, Queen of Scots, de Charles Jarott, avec Vanessa Redgrave – sorti en 1971

Le roman «La dernière nuit» a été interprété au théâtre avec Isabelle Adjani

La dernière nuit – Didier Decoin – éditions Balland

Images

  • Marie Stuart – Portrait de François Clouet – 1558
  • Bothwell – peintre anonyme
Lectures :
– revenons au XXIème siècle avec La Fille de Marie Stuart, roman policier d’Eddy Piron, publié en 2009 et préfacé par Catherine Hermary Vieille. Très bien documenté et agréable à lire avec quelques clins d’œil appréciés comme le féminin de bourreau : « bourrelle ».
Bothwell - peintre anonyme
Bothwell - peintre anonyme

 

7 réflexions sur « La dernière nuit de Marie Stuart, reine d’Ecosse »

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