Mai 2023


Méditation printanière

Tout d’abord, bienvenue à mes nouveaux abonnés. Il y a maintenant tellement d’articles sur ce blog que chacun peut y trouver matière à amusement ou réflexion, selon ses envies.

Voici donc revenu le joli mois de mai, qui est aussi le mois où fleurissent traditionnellement les colères populaires. Il semblerait que la mode des casserolades d’antan soit revenue.

Le premier article du mois s’intitule La Colère.

Comme d’habitude , cette page se remplira au fur et à mesure, n’hésitez pas à revenir.

La colère


Mon propos ce matin sera sur le thème de la colère, celle qui rend aveugle, qui pratique la facilité de l’amalgame et se trompe de cible souvent mais aussi la saine colère, la juste colère, celle qui pousse à débattre et à agir.

J’animais il y a deux semaines une Fresque du Climat à l’intention d’élus communaux. Peu avaient répondu présents: peur d’apprendre plus sur un sujet anxiogène ? Peut-être. Un correspondant de presse s’annonce, nous échangeons quelques mots puis finalement il avoue ne pas savoir ce qu’est une Fresque du Climat. Nous l’invitons donc à se joindre à nous. Il refuse, disant que les écologistes lui font la morale, que si on les écoutait, on n’aurait plus le droit de rien faire… Il cite son voisin qui ne manque pas de lui souligner fréquemment ses manques et ses erreurs. J’essaye de lui faire comprendre la position de ce voisin, imaginant qu’il est bien intentionné au fond, soulignant que les conseils sont toujours bons à prendre. Et là le mot est lâché: ce voisin est perçu comme agressif.

On veut bien que les écologistes s’expriment mais à condition que leur discours ne soit pas anxiogène et surtout qu’ils restent polis, ne dérangent personne, n’abiment rien.

Je suis personnellement attachée à la non-violence, comme la plupart des gens. Cependant, nous tombons tous d’accord sur le fait que si quelqu’un faisait du mal à nos enfants, nous pourrions alors devenir très violents. Or, nous sommes dans ce cas précisément et ce voisin qui voit quotidiennement un proche ravager l’avenir de sa progéniture l’a exprimé, en paroles. Pour le moment.

Je suis non-violente par conviction, parce que la violence entraine une spirale sans fin et totalement inefficace mais j’avoue devoir souvent faire des efforts pour rester calme. Je comprends parfaitement la réaction de colère que peut susciter une telle indifférence à un futur très proche. Tout déséquilibre entraîne une crise, toute crise entraîne des changements, tout changement suscite des angoisses et toute angoisse peut amener des colères et des violences. Oui, notre avenir peut s’avérer violent et militarisé parce que nous n’avons rien anticipé. Nous continuons à foncer dans le mur en accélérant de plus en plus: on ne parle pas de freiner, ni même de lever le pied ni encore de seulement garder la même vitesse, non, nous accélérons encore !

Il nous faudra dans les dix ans qui viennent subir collectivement les conséquences d’années d’irresponsabilité. L’heure est venue de payer la note de tant de gabegie. Comment expliquer les liens entre causes et conséquences?

80% des personnes qui tentent de forcer nos frontières sont des réfugiés climatiques. Ils ne sont que quelques milliers, ils deviendront bientôt des millions, voire un milliard. Déjà le racisme augmente, le fascisme pointe son nez.

Ces pays où la vie va devenir précaire ou impossible fournissent des matières premières ou de la nourriture, le riz du Pakistan ou les oranges d’Israël par exemple. Les conséquences du dérèglement climatique, les événements extrêmes, les inondations, les sècheresses, vont entraîner des pénuries et donc une inflation galopante. Même si les pénuries alimentaires et l’inflation ne sont pas la seule cause des guerres civiles, elles sont toujours présentes lors du déclenchement et on peut facilement vérifier sur internet ce qui a précédé la révolte en Syrie ou le printemps arabe, la révolution française, etc.

Un gouvernement qui se sent menacé devient plus violent dans sa répression. Les dépenses militaires augmentent. Un rapport avec l’actualité ?

Les pays déstabilisés attirent les convoitises et les grands blocs: Etats-Unis, Chine et Russie y envoient des troupes (parfois privées comme Wagner).

Ajoutons à cela une rancoeur grandissante et souvent instrumentalisée aussi envers l’Occident. Les pays du sud participent moins au réchauffement climatique mais en ressentent plus durement les effets. Les gens ne sont pas idiots, ils ont bien compris d’où venaient une des grandes causes de leurs problèmes, ils demandent aux pays occidentaux de payer les dégâts. Sinon, le Pakistan, la Chine et Israël possèdent l’arme nucléaire mais je dis ça, je ne dis rien.

Alors, on s’assied par terre et on pleure ? Ou on se motive pour défendre pied à pied notre planète et les conditions de vie qu’elle offre aux mammifères que nous sommes, mais aussi nos démocraties et nos liens sociaux et associatifs. On n’a jamais eu autant besoin d’énergie positive, de bienveillance et de joie. Soyez du bon côté de la force !

Avril 2023


Mon âme est partagée en ce début de printemps entre l’éveil du jardin et l’espoir et même l’enthousiasme qu’il suscite à chaque fois et une actualité pregnante. Un des articles les plus lus de ce blog traite d’ailleurs d’un magnifique texte du roi poète Charles d’Orléans: Le temps a laissé son manteau – Charles d’Orléans

Etymologie de « enthousiasme »: inspiration par le divin, communication divine.

L’actualité est moins brillante. J’aimerais simplement ici donner mon avis personnel sur les violences. D’abord, ce qu’elles annoncent. On le sait bien, à mesure que la vie va devenir plus difficile: pénurie de matières premières, de biens de consommation courante ou pire encore d’élément vital comme l’eau, les violences vont surgir et s’accentuer. Le sentiment d’injustice va faire grandir les colères et la colère est aveugle et non constructive.

Je me place donc du côté de la non-violence. Ceci dit, je serais capable de violence, comme chacun de nous, si on touchait à ce que j’ai de plus cher, comme la vie de mes enfants ou, par extension, les conditions de leur survie. L’eau potable, bien commun par excellence, va manquer si nous n’y prenons pas garde. Les réserves accumulées pendant des siècles et préservées dans nos sous-sols sont actuellement pompées par quelques privilégiés pour faire pousser du fourrage pour les animaux. Il y a de quoi se mettre en colère.

Les foules étant ce qu’elles sont, il appartient aux dirigeants de ne pas laisser s’installer les conditions des révoltes et de favoriser le dialogue. Dans une démocratie, les élus sont au service du peuple et non d’intérêts privés et dans une république qui se dit égalitaire comme l’annonce la nation française dans sa devise, aucun homme ne doit jouir de privilèges. Il semble aujourd’hui que ce pacte est rompu. Nous sommes au coeur de nombreuses dénonciations stupéfaites de la part de toutes les autres démocraties attachées aux droits de l’homme.

Je fais une énorme différence entre les violences individuelles, même commises en groupe, et bien sûr condamnables, et les violences d’état, surtout si elles n’ont pas à répondre devant la justice. Il ne s’agit même pas d’un niveau de violence, il s’agit du droit à être violent lorsqu’on n’est pas menacé. Sur des journalistes ou sur des secouristes, par exemple, ou sur des personnes à terre, a fortiori des blessés sur des civières.

La préfète a accepté ce type de violences pour défendre un simple trou dans la terre, appartenant à des privés et dont l’exploitation n’a pas été autorisée par la Justice. Cela pose question. Que serait-il advenu s’il n’y avait pas eu de forces de police à Ste Soline, sauf les habituels observateurs ? Rien. Aucun blessé. Aucun dégât. Aucune voiture de police brûlée. Des gens auraient certes piétiné des prés mais aucun jeune, aucun citoyen, ne serait aujourd’hui en danger de mort. Qui en sort gagnant ? A qui profite le crime ? et surtout cela en valait-il la peine ?

Sinon, il y a les films à voir en ce moment:

  • Emily – de France O’Connor – un biopic sur Emily Brontë qui propose une base pour mieux comprendre cette écrivaine géniale. Je suis un peu restée sur ma faim et le rythme n’y est pas.
  • The Lost King – de Stephen Frears – inspiré par l’histoire vraie de Philippa Langley, à laquelle il est enfin rendu justice. Le parti pris naïf de l’apparition du roi m’a un peu agacée mais, même si ça paraît contradictoire, j’ai bien apprécié l’idée qu’on a besoin de tous les potentiels. En ce sens, le différent, le féminin dans un milieu masculin ou le profane dans un milieu scientifique par exemple, est porteur d’ouvertures vers des pistes jusque là inexplorées. Beaucoup d’autres questions intéressantes sont soulevées, comme le fait de ne pas réduire une personne à son seul aspect physique, celui de privilégier les nuances dans un portrait ou les motivations d’une recherche aussi passionnée. J’ai appris aussi que Richard III, le roi jusque là maudit, était à l’origine de la présomption d’innocence. Ce n’est pas rien, lorsqu’on monte sur le trône en 1483 et qu’on meurt à 32 ans. Soucieux d’étendre la justice à tous, le dernier des Plantagenets impose aussi la traduction en anglais des lois rédigées en latin. Un roi en avance sur son temps.

Cadeau pour les nouveaux abonnés : https://www.france.tv/france-2/un-dimanche-a-la-campagne/4707451-imaginer-l-amour-avec-juliette-armanet.html

Mars 2023


Bienvenue aux nouveaux abonnés ! Bienvenue aussi à ce mois printanier, avec ses fleurs fragiles, courageuses et colorées.

On se souvient que les adventices ou « mauvaises herbes » peuvent être utiles pour les abeilles et autres insectes polinisateurs, en particulier les pissenlits. Et on ne taille plus les haies après le 15 et cela jusqu’au 31 juillet.

On profite de quelques fleurs et feuilles tendres pour en mélanger à la salade, comme les feuilles de pissenlit et les fleurs et feuilles de primevères. Varier la nourriture permet de répondre plus largement aux apports nécessaires à une bonne santé.

Si vous ne l’avez pas fait et si vous avez un jardin, ce peut être le moment d’installer des réservoirs fermés d’eau de pluie. Si vous laissez un arrosoir ou un seau rempli d’eau, pensez à placer un bâton dedans pour permettre à un animal (insecte, lézard…) de sortir facilement.

Ce blog commente peu l’actualité. Cependant, pour ceux qui ont déjà assisté à une Fresque du Climat ou qui se sont un peu renseigné, les soubresauts actuels ne sont que les prémisses d’un futur « compliqué », comme il est d’usage de dire maintenant. Les effets du dérèglement climatique sont aussi sociaux et géopolitiques. Outre donc les événements climatiques extrêmes, qui peuvent entraîner des famines et des écroulements de bâtiments, entre autres catastrophes, nous allons connaître des violences. La peur entraîne des violences, or nous avons peur de beaucoup de choses disparates comme par exemple de ne plus bénéficier du même confort, de devoir partager la pénurie, d’accueillir de plus en plus de réfugiés, de manquer d’eau selon les cas pour les besoins élémentaires ou pour remplir sa piscine, de ne pas vieillir en paix, de tomber malade, de ne pas pouvoir être soigné, mais aussi la peur de la guerre, de la fin de la démocratie, etc. Cette peur éveille une colère qui s’accompagne d’une intolérance à l’injustice et aux privilèges. Une étincelle peut mettre le feu aux poudres, une étincelle souvent symbolique. Lorsque ceux qui demandent un effort aux autres ne participent pas à cet effort, il y a danger. Ainsi lorsque des députés qui bénéficient d’un excellent restaurant gratuit refusent la gratuité d’un repas étudiant par jour, sans même améliorer le projet s’il présente des difficultés d’application, ou lorsqu’ils proposent une loi sur les retraites qui ne change aucunement leur propre retraite atteinte au bout de six ans, ils rompent de fait un dialogue pourtant hautement nécessaire.

Et puis il y a la peur du pays voisin et l’escalade de la violence et des vengeances successives, attisant une haine fabriquée au départ. Et chaque crise rebat les cartes, avec des gagnants et des perdants. La seule différence aujourd’hui, c’est que les gagnants vont beaucoup souffrir aussi, ils n’ont qu’un petit sursis. Quand les humains auront compris ça, ils seront peut-être prêts à faire de vrais efforts pour l’habitabilité durable de notre planète.

Films:

  • La Syndicaliste: non seulement on ne voit pas passer les deux heures mais je souhaite que ce film fasse beaucoup d’entrées, en solidarité. Et pour éveiller les consciences. De grands groupes financiers et parfois aussi des individus aux méthodes de gangster tentent toujours de s’approcher des élus au pouvoir. La corruption s’accompagne de menaces et de violences. Honneur à ceux qui ont eu le courage de résister.

Plat végétarien à la polenta


Ingrédients:

Pour la pâte:

  • 100 gr farine
  • 150 gr de polenta
  • levure de boulanger
  • 25 cl de lait tiède
  • 2 oeufs
  • 1 cs huile d’olive
  • sel poivre

Pour la garniture:

  • 2 poivrons rouges grillés et pelés
  • 1/2 boite d’aubergines marinées en sauce tomate
  • 100gr champignons de Paris, pelés et coupés en lamelles (au dernier moment)
  • 100 gr fromage de chèvre émietté (ou parmesan)
  • origan

1/ Mélanger la farine et la polenta et faire un puits au milieu

2/ ajouter la levure et le lait tiède, le sel et poivre, les oeufs

3/ mélanger pendant 6 mn puis laisser reposer 30 mn

4/ rouler la pâte pour obtenir un disque (du diamètre de la poele)

5/ Chauffer l’huile dans une très grande poele et faire cuire 5mn de chaque côté

6/ étaler la pâte sur une plaque à four et disposer tous les ingrédients dessus dans l’ordre: aubergine, poivrons et champignons, fromage, origan, sel poivre.

7/ Passer au grill quelques mn en surveillant

C’est un peu long à faire et pas très présentable mais absolument délicieux et bien équilibré.

Sauver la beauté du monde


Photo prise dans le parc d’un petit manoir situé à Charentay, au pied du Mont Brouilly : l’Ancre Vive est une maison d’hôtes où l’on se fait choyer. Crédit photo Dominique Guillen.

Et si les valeurs fondatrices du monde de demain étaient en train de poindre ?

J’ai été émue par le documentaire Antartica, proposé par ARTE le 11 février. Quelle aventure humaine exceptionnelle ! Partager une telle émotion est un des moments rares et précieux d’une vie. Admirer la beauté du monde nous redonne notre humanité.

Je me demande si nous ne sommes pas partis sur une piste inefficace en tentant d’expliquer les causes du réchauffement climatique et d’informer inlassablement des gens qui refusent de savoir. Cela fait peur et ne donne pas envie d’agir, oui, même pour sauver la vie et le bonheur de nos enfants et égoïstement pour avoir une chance de mourir dans notre lit. Ce qui pourrait nous donner l’énergie nécessaire à une réaction salutaire serait peut-être la beauté du Monde et pour cela d’abord apprendre à la voir.

Ce qui me donne espoir depuis quelques mois sont les nouvelles demandes populaires qui apparaissent. En effet, une société se fonde sur des valeurs communes, tout changement radical passera donc nécessairement par l’émergence d’autres valeurs partagées. Les mouvements sociaux actuels mettent en priorité le temps libre comme un droit inaliénable, comme si on prenait subitement conscience du leurre du travail ou de l’argent.

L’idée n’est pourtant pas nouvelle, elle est latente mais limitée jusque-là à quelques groupuscules. Née à La Belle Epoque avec le « Refus de Parvenir » de certains anarchistes, elle s’est poursuivie en Mai 68 puis quelques années plus tard s’est illustrée par les retours vers le Larzac ou plus récemment par les ZAD.

Aujourd’hui, des étudiants prometteurs optent pour une vie sobre et responsable, tout simplement parce qu’ils sentent là une possibilité d’être plus heureux, plus alignés avec leurs convictions profondes. La vidéo des huit étudiants d’AgroParisTech a été vue plus de quatre millions de fois, soulignant le désir, pas toujours réalisé, de suivre leur exemple.

 La société de consommation aurait-elle vécu ?

Nous n’en sommes malheureusement pas encore là. Les choix individuels sont encore fortement conditionnés par les publicités et les images véhiculées par les films et les media et le souci du collectif ne prime pas encore sur l’individuel. Nous continuons d’enlaidir considérablement la Planète, cette véritable œuvre d’art dans laquelle nous vivons comme des rustres. Aucun animal au monde ne choisit comme nous d’habiter au milieu de ses excréments et de ses déchets, de nager parmi les sacs plastiques ou de marcher sur des chemins bordés de papiers gras.

Marguerite Yourcenar fera dire à l’Empereur Hadrien : « Je me sentais responsable de la beauté du monde ». La défense de la Beauté pourrait-elle devenir une valeur collective prioritaire et être perçue comme un programme politique ? La présence de la Beauté pourrait-elle apporter une des conditions de la joie qui manque à nos sociétés dites « avancées » (avancées dans l’erreur peut-être !). Je me souviens du témoignage d’une femme qui avait décidé de mettre fin à ses jours lorsque, dans la rue qui menait au pont duquel elle avait l’intention de se jeter, elle entendit une sonate de Bach. Elle prit, le temps d’une pause, un plaisir sensoriel et intellectuel qui la réconcilia avec la vie, avec l’humanité peut-être, dans ce qui l’élève.

Politiques aussi sont les Grandes Transformations dont parle le penseur Joël Gayraud. Celle qui place le fonctionnel devant l’esthétique, l’utilitaire devant le non-quantifiable, celle qui laboure les chemins et abat les haies et celle, plus récente, qui nous sépare de la réalité tangible par l’utilisation de nouvelles technologies. Nous sommes en train de perdre l’essence même de la vie : les amitiés deviennent virtuelles et depuis la dernière pandémie nous développons une peur du contact de l’autre et d’expériences insuffisamment sécurisées et aseptisées. Les vidéos en 3D remplacent les promenades en forêt, promettent même de nous croire oiseau ou alpiniste de haut niveau depuis notre fauteuil. Poser comme autrefois sa main sur la rugosité d’un tronc d’arbre, frissonner dans le froid, sentir l’odeur des feuilles mortes, rire des cabrioles d’un animal, entendre ce que raconte le vent, admirer un vol de faucon, tout ceci ne rapporte rien, n’est pas monnayable. Nous avons juste oublié que c’est essentiel.

Je recommande vivement la lecture des articles du magazine Hors-série SOCIALTER intitulé Comment Nous Pourrions Vivre, dont je me suis en partie inspirée.

Février 2023


Lac des Prés Saint-Jean – Chalon sur Saône

J’aimerais partager avec vous un instant, qui a eu lieu quelques minutes après que cette photo a été prise, en décembre.

D’abord le décor: le vent qui souffle des rides sur l’eau, les nuages qui se mirent à la surface, l’herbe verte et drue, les arbres bienveillants, rassurants. Une température douce, sans doute trop pour l’hiver, mais dont la clémence engage à sortir et à marcher devant soi dans une sorte de douce euphorie.

Puis les personnages: deux chiens, un très jeune, plein de ce désir d’enfant de s’amuser encore et encore et l’autre déjà plus tranquille mais qui se prête au jeu. Et puis les cygnes, assez nombreux mais pour le moment dispersés.

L’action: Le jeune chien se précipite dans l’eau et éclabousse joyeusement tout autour de lui. Il a vu un des volatiles, on ne sait pas s’il y prête attention, s’il envisage de s’approcher, mais c’est possible. L’instinct n’est jamais loin. Alors tous les cygnes présents, les cygnes aux mouvements invisibles, glissent sur l’eau jusqu’à se mettre juste assez loin du rivage pour que le chien n’ait plus pied (ou pattes, comme vous voulez) et en un arc de cercle parfait autour de lui. L’avertissement est clair, du type:  » Un pour tous, tous pour un ». « Bon, dis le jeune chien, finalement, je vais plutôt aller jouer un peu plus loin, sur la terre ferme. »

Mes lectures du mois:

  • Le dernier Gounelle, intitulé Le Réveil, ne laissera personne indifférent.
  • La Diagonale des Reines, de Werber. Un jeu philosophique intéressant.
  • Blackwater, de Michaël McDowell. Tellement bien écrit, fantastique juste ce qu’il faut et délicieusement féministe. J’ai beaucoup aimé le premier volume, ensuite, disons que c’est une lecture facile et on continue mais on se lasse vraiment de cette famille de gentils riches qui savent comment gagner de l’argent et qui traitent si bien leurs employés et leurs domestiques bien que ceux-ci soient corvéables à merci, de générations en générations. Et puis les études, la culture, ce n’est pas si important. Je suis peut-être passée à côté d’un deuxième ou troisième degré…

Mes films du mois:

  • Avatar en 3D (sinon rien). Une bonne soirée.
  • The Banshees of Inisherin. Il ne plaira pas à tout le monde mais je suis complètement rentrée dans l’atmosphère, dans cette terrible histoire d’amitié blessée, atteinte jusque dans sa chair. Il faut dire qu’il est superbement joué, en particulier le rôle du jeune idiot du village, tellement émouvant, tellement digne finalement. Un dialogue de sourds, chacun restant sur sa logique et la pâte des hommes se muant en cruauté pure. Incompréhensible, comme les guerres, comme une guerre civile plus particulièrement. Avec l’alliée de tous les conflits: la bêtise, surtout quand elle détient un petit pouvoir de maintien de l’ordre.
  • Godland. Un chemin de croix, dégoulinant de pluie d’un bout à l’autre. Malgré des paysages islandais sublimes et une très belle musique de générique, on reste sur sa faim.
  • Divertimento: deux heures de pur bonheur ! On en redemande. A voir et écouter absolument. Je veux la BO.
  • La Montagne: Des paysages sublimes malgré une musique peu en accord, un jeu très fin des acteurs, une idée originale : la Montagne qui tombe amoureuse d’un homme et l’invite à lui faire l’amour. Un rythme propice à la méditation. Pour amateurs du genre.
  • La Grande Magie: C’est d’abord un film musical et original comme je les aime. C’est aussi une profonde réflexion sur la vie, la mort, la liberté, l’emprise qu’on a sur les autres, l’image qu’on donne de soi … Nous sommes tous les magiciens de nos propres vies. La boîte, le cercueil peuvent être des images de prison ou d’enfermement ou au contraire d’extrême liberté. On peut s’enfuir par le double fond d’un cercueil et on peut tout imaginer du contenu d’une boîte, à condition de ne pas l’ouvrir. La vie imaginaire peut s’avérer beaucoup plus réconfortante que la vie réelle mais on peut aussi choisir de vivre intensément un instant, au point d’en mourir. On s’amuse avec les thèmes de la crédulité, de la foi, de l’envie ou du besoin maladif de croire … Par exemple, l’argent qui nous permet d’acheter notre confort circule sous la forme d’images : la valeur des billets n’existe que parce que nous en sommes tous persuadés. Bref, on pourrait en parler pendant des heures.
  • Les Choses Simples: Moins simpliste que l’annonce de son titre, ce beau film sur l’amitié mérite d’être vu. On peut se laisser aller à un bon moment de rire et d’émotion. J’ai apprécié particulièrement l’originalité des toutes premières images.

Quelques secrets d’écriture des Fantômes du Futur


En complément des explications déjà données .

Ce roman écrit en 2018 s’est révélé tristement prémonitoire. Cependant, je pense qu’on n’a pas toujours vu la lumière qui accompagnait les ombres.

J’ai écrit ce roman en 4 mois, de fin juillet à fin novembre 2018. J’avais besoin de mettre des mots sur mon anxiété face aux grands bouleversements qui nous attendent à très court terme. Mais comment faire ? Quelle trame suivre ? Quels personnages imaginer ?

Je suis allée au plus simple, cela se passe chez moi, lieux que j’ai transformés selon les besoins de l’histoire. L’imagination offre une formidable liberté, j’ai bien aimé par exemple allonger ma salle à manger de plusieurs mètres. Les personnages étaient au départ mes proches, qui ont ensuite évolué selon les besoin du récit, changeant de nationalité ou même de sexe. J’ai évidemment modifié les prénoms mais je ne peux expliquer pourquoi rien n’arrivait à un des personnages jusqu’à ce que je modifie une deuxième fois le prénom, ce qui a permis de démarrer son trajet de manière fulgurante.

J’ai écrit le texte dans le désordre, commençant par l’épisode de la fête des grâces où l’on remercie tout au long de la journée ceux que l’on rencontre et même les objets, comme les livres ou les étoiles. J’avais besoin de déclarer un immense merci au hasard ou à la nécessité, qui sait, qui m’a fait naître sur cette belle planète accueillante, fourmillante de vie, et qui a placé sur mon chemin les rencontres qui ont contribué à ma formation.

Les idées me sont venues de nuit, dans un demi sommeil. Je suppose qu’il fallait une baisse de vigilance pour laisser la place à l’imagination. La difficulté était d’une part de tout noter dans le noir et d’autre part de transposer ce qui m’arrivait sous forme de dialogues . Je n’avais pas envie d’écrire une pièce de théâtre. Pourtant, mes personnages jacassaient dans mon cerveau fatigué chaque nuit jusqu’à ce qu’un soir, excédée, je signale intérieurement que ce n’est vraiment pas poli de discuter ainsi dans la tête des gens qui veulent dormir.

J’ai ainsi rédigé la journée selon mes notes nocturnes, tissant des liens logiques entre tous ces éléments disparates. Ensuite, bien sûr, j’ai passé tout un mois à relire et améliorer, à déplacer une virgule pour la remettre en place, à chercher des synonymes et surtout à lire à voix haute pour être satisfaite de la musique de chaque phrase, de son rythme.

Parfois m’arrivaient des phrases toutes faites, étranges, obsédantes. Ainsi celle-ci: « Il y aura un monument historique emblématique de la France qui sera endommagé et cela créera une grande émotion parmi le peuple. Ce sera le début du Déluge de feu. » Que faire de cela ? Je décidai de choisir Versailles et, en brisant des glaces de la célèbre galerie, commencer un cycle de sept ans de malheur. Jugez de mon émotion lorsque Notre Dame a brûlé, deux mois plus tard. La Maison de Dieu, notre maison, brûlait, comme l’avait déclaré à sa manière le Président Chirac.

Le Déluge de feu s’entendait sous toutes ses formes: la Fièvre, la violence, les bombardements, les incendies, les canicules, etc. Une autre injonction surprenante fut celle de réviser la langue russe dans laquelle je suis une éternelle débutante. Je compris qu’un danger pouvait menacer à l’Est, avec des bombardements. Pourtant, si elle n’était pas arrivée de nuit, j’aurais repoussé cette idée comme étant extrêmement improbable, voire loufoque.

Pour l’idée de l’épidémie qui s’avéra être celle du Covid, cela fut pensé de jour, très logiquement. Nous mettons en effet tout en place pour que les pandémies se succèdent, soit avec la déforestation qui rapprochent les animaux sauvages, réservoirs de virus, des humains, soit avec nos jeux d’apprentis sorciers, soit encore avec le dégel du permafrost. Le système de santé fortement dégradé résulte d’une observation de la réalité, un peu exagérée puisque les années qui se succèdent ne feront qu’aggraver les choses.

C’est ainsi que je me retrouvai au début du premier confinement en train de vivre en personne un passage de mon livre alors en cours de publication chez l’éditeur. J’allais me promener sur le pont surplombant une autoroute sans voiture à un kilomètre de chez moi, exactement comme mon personnage. Cela n’est pas commun, tout de même.

A partir de 2030 commence la deuxième partie du roman: la reconstruction. Là je me suis sentie libre de dépeindre avec jubilation la mise en place d’une nouvelle société, bénéficiant des traces de l’Histoire qui pour une fois servirait de leçon. Les graines en avaient été semées dans la première partie du roman, alors que les difficultés croissantes redonnaient aux individus des valeurs oubliées telles que la solidarité et le partage.

Beaucoup de détails sont symboliques mais cela n’a pas d’importance si on ne les décrypte pas. Ainsi la petite fille en équilibre sur une poutre à la fin annonce la suite: Alice des Deux Côtés du Miroir. Ce deuxième roman s’inspire de l’arbre des Sephirot et le thème principal en est la notion d’Equilibre.

Accueillons l’année 2023


Chers et chères passagers de mes mots,

Jamais je n’ai été aussi bouleversée qu’à l’occasion de ce passage symbolique vers une nouvelle année. Janus, le dieu des portes, celui qui regarde à la fois vers le passé et l’avenir, semble avoir laissé ouverte la porte du Temple, celle qu’on laisse fermée en temps de paix. Rarement le bruit des bottes n’a été aussi inquiétant sur notre planète.

Je sais par expérience que chaque année nous apporte et nous enlève quelque chose. Notre caractère humain nous pousse à soupirer bruyamment sur ce qui nous a été arraché et à ne pas toujours être conscient de ce qui nous est offert en échange et cela sera encore plus difficile cette année. En effet, nous entrons dans une période ou le retrait est matériel et l’apport plus spirituel. On peut appeler cela « cure d’amaigrissement » ou « sobriété », « recentrage sur l’essentiel » ou « pénurie », selon que l’on est de nature confiante et joyeuse ou que l’on reste attaché au confort matériel. Je ne cache pas que j’oscille entre les deux, mon coeur accueillant volontiers cette nouvelle ère plus alignée avec mes valeurs tandis que mes mains s’accrochent désespérément aux biens accumulés, qui sont autant de souvenirs.

Dans la symbolique de l’ancien alphabet hébraïque, nous arrivons je crois à la dix-neuvième lettre: Qof. Elle a la forme d’une hache. Voici un extrait des Fantômes du Futur :

La hache est un outil dangereux mais combien nécessaire pour élaguer les branches inutiles. Avec ce nouvel instrument de destruction éclairée, la hache du discernement, nous acquérons le pouvoir de nous séparer du superflu et de nous affranchir de nos illusions. Ce n’est que lorsque nous aurons abandonné toutes les fausses richesses du monde de la matière par une coupure nette et au besoin violente que nous pourrons passer par le chas de l’aiguille.

Laissons le mot de la fin à un personnage d’Oscar Wilde: « We are all in the gutter but some of us are looking at the stars »/ Nous sommes tous dans le caniveau mais certains d’entre nous regardent vers les étoiles ».

C’est un bonheur d’appartenir au groupe de ceux qui, d’où qu’ils soient sur cette Terre, se retrouvent sur ce blog et, à n’en pas douter, regardent vers les étoiles.

La civilisation métallique


Nous vivons au milieu des métaux que nous avons aspiré hors des roches de notre planète. Nous respirons ou avalons des métaux lourds dès notre plus jeune âge, nous voyageons dans des oiseaux ou des coursiers d’aciers, nous habitons dans des constructions aux angles vifs. Les fenêtres en aluminium ou les escalators, les lampes, les ponts… où que nous portions le regard, les créations humaines sont anguleuses et brillantes. Où que nous posions la main, les matières usinées sont froides et dures au toucher. Nous vivons dans la démesure de toutes les dimensions: les hauteurs, les distances, les rythmes de vie. Tout n’est que façade lisse où rien ne pénètre. L’air même n’y est pas naturel, chauffé ou refroidi, nettoyé, modifié, transportant jusqu’à vos narines des parfums synthétiques ou des odeurs d’usines. Les lumières sont faussement colorées, violentes jusque dans le confort étudié qu’elles apportent non pas à une personne mais à un individu type, issu de moyennes et de savants calculs. Quelqu’un qui n’existe pas vraiment.

Parfois je me promène dans le passé, dans de vieux quartiers où une tour ronde vous salue au détour d’une ruelle, où l’herbe pousse entre les pavés, où l’armature des maisons est faite de vieilles poutres de bois. La terre, le grès, le végétal m’accompagnent lorsque je descends dans une cave voutée. Il y fait frais et sombre, c’est ainsi. Je vais m’adapter. Le sol n’est pas plat, chaque pas est une découverte, un risque que l’on prend peut-être. Ça s’appelle vivre, je crois. Je peux ressortir, poursuivre mon errance, je n’ai plus de montre. Le soleil indique plus de seize heures. J’appuie ma joue contre une pierre ocre qui a chauffé tout le jour. Elle me parle, elle est rugueuse et porte la trace des ans. Rien de net et d’aseptisé. Et parfois, ça fait du bien.

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